Littérature étrangère

Salman Rushdie

La Cité de la victoire

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Chronique de Ophélie Drezet

Librairie La Maison jaune (Neuville-sur-Saône)

Une nouvelle fois, Salman Rushdie nous offre un fabuleux conte hors du temps empli d’aventures, de beauté, de magie et de personnages grandioses, tout en faisant de son écriture sa plus belle arme.

La petite Pampa Kampana a 9 ans lorsque sa mère est brûlée vive lors de la défaite de sa cité suite à une bataille. À partir de cet événement traumatique, elle devient la voix d’une déesse. À 247 ans, elle se souvient de la cité qu’elle a bâtie entièrement par la parole, Bisnaga, et de tous ces habitants surgis de son imagination et obéissant à sa volonté. Nous lisons ses mémoires que l’auteur aurait retrouvées et retranscrites dans ce livre : deux siècles de souvenirs et autant d’aventures dignes d’Homère. Pampa façonne ex nihilo des femmes égales aux hommes, des guerriers, des marchands, des familles. Mais les personnages finissent par vivre indépendamment de leur auteur : c’est le propre des histoires. Ainsi, après avoir été une cité glorieuse, forte et riche où chacun est à la place qui lui est due, les révoltes grondent contre la toute-puissance de Pampa Kampana et un contre-pouvoir s’installe contre la créatrice. Commence alors la longue déchéance de la cité. Ce fabuleux conte épique narre ce qu’aurait vécu un peuple tombé dans l’oubli du côté de l’Inde mais il nous embarque surtout dans ce que vit chaque civilisation, de sa genèse à sa puissance, en passant par la colonisation d’autres peuples, la prospérité économique et culturelle, puis, inévitablement, la révolte, la pauvreté et les ténèbres. Il n’en reste pas moins que le centre de ce prodigieux récit est l’humain, dans ce qu’il a de plus beau, grandiose, bienveillant et admirable, mais aussi dans ce qu’il a de plus sombre, vil et mesquin. Salman Rushdie brille une nouvelle fois avec sa plume pleine de magie, envoûte tous nos sens en nous embarquant dans de nombreuses aventures hors du temps. Il nous prouve une fois de plus que la littérature et l’imagination sont une force essentielle pour l’essor de la pensée.