Littérature étrangère

Tom McCarthy

C

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photo libraire

Chronique de Christophe Daniel

Librairie La 25e Heure (Paris)

Tom McCarthy nous avait déjà enthousiasmés en 2007 avec l’excellent Et ce sont les chats qui tombèrent. Il revient aujourd’hui avec un roman dense et ambitieux où l’écriture expérimentale n’oublie jamais de développer une trame romanesque passionnante et intense. C sera sans doute une des plus remarquables découvertes de la rentrée en littérature étrangère.

Ne vous laissez surtout pas intimider par les références impressionnantes qui accompagnent le roman de Tom McCarthy, jeune auteur exceptionnel qui nous vient d’Angleterre. On le dit influencé par le Nouveau Roman, émule de Blanchot, Joyce ou Pynchon, écrivain post-moderne… Et tout cela est sans doute vrai ; il n’empêche que l’auteur de C nous embarque dès la première page dans un roman foisonnant avec de véritables morceaux de bravoure (dont une inénarrable séance de spiritisme dans le Londres des années 1920), certes exigeant, mais dont la lecture vous procure une profonde et permanente délectation. Difficile de résumer un tel livre. Disons simplement que C raconte (en quatre parties utilisant cette lettre comme initiale du titre) la vie étonnante et riche en multiples péripéties de Serge Carrefax. Celui-ci naît à l’aube du xxe siècle d’un père savant excentrique dirigeant une institution pour sourds et d’une mère sourde et enfermée le plus souvent dans une léthargie due à la prise régulière de diverses drogues. Serge grandit à Versoie (où l’on pratique également la sériculture) auprès de sa sœur bien aimée, Sophie, brillante étudiante en sciences naturelles. À la mort de celle-ci, Serge Carrefax quitte Versoie pour un centre de cure, puis il rejoint l’aviation britannique pour livrer bataille au-dessus des tranchées françaises lorsque éclate la Première Guerre mondiale. Tom McCarthy donne, avec la description des combats aériens, des pages d’une force et d’une originalité extraordinaires. Suivront un passage à Londres et une période d’addiction à la cocaïne avec une vie nocturne pour le moins agitée, et une expédition en Égypte auprès de Lord Carnavon. Et au cœur du roman de McCarthy, des pages virtuoses consacrées aux sciences et techniques, allant de l’entomologie (Serge pourrait être un petit cousin littéraire de la sublime Ada de Nabokov) à l’aéronautique, en passant par les communications radio, les codes secrets et le spiritisme, entre autres. Roman des signes et des signaux dont le thème principal serait la communication – ses limites, ses possibilités et ses problèmes – à travers le récit d’une vie, du premier au dernier jour (parce que C, c’est aussi le carbone, l’élément fondamental de la vie), C s’annonce comme un livre majeur de cette rentrée littéraire et Tom McCarthy – à L’Olivier, un McCarthy peut en cacher un autre – comme un des écrivains britanniques les plus doués de sa génération.