Les Maîtres du domaine

Dès l’ouverture, Roy, sept meurtres à son actif, se retrouve bien obligé de soudoyer un consultant en géologie dont le rapport risque de dévaluer l’empire qu’il partage avec son frère Carl. Il se définit lui-même comme un meurtrier au talent rare pour camoufler ses crimes. Pourtant, il déclenche une vigoureuse sympathie chez le lecteur dès ses premières confidences. C’est là la grandeur de l’ouvrage : peindre l’humanité en chaque personnage, aussi pourri soit-il, et le rendre aimable au point qu’on se surprend à lui souhaiter de réussir dans ses sombres entreprises. Si de nombreux détails de l’intrigue sont des prolongations du premier volet, la question principale est de savoir si les frères parviendront à échapper à la loi. Car le flic local, Kurt Olsen, redoutable et comique adversaire, est obsédé par l’idée de les mettre à l’ombre pour venger la mort de son père. Dans leur lutte impitoyable, ils emploient toutes les méthodes possibles (chaîne de vélo, fusil) pour obtenir ce qu’ils désirent. Les alliances se font et se défont, celle des frères n’échappe pas aux remous, d’autant que l’histoire familiale est pesante. Carl, politicien charmeur, et Roy, mécanicien et homme de main, partagent butins, crimes et une rancœur mutuelle grandissante. L’amour, trophée et consolation absolue, n’échappe pas aux lois du marché : les femmes sont objets de compétition et pièces centrales dans leur jeu de dupes. Ils savent l’éprouver, cet amour, et celui que Roy porte à Natalie, sublime et brillante employée de l’hôtel au passé aussi sombre que le sien, pourrait bien être rédempteur. L’intrigue semble plonger dans une noirceur sans fond mais l’issue est imprévisible et brillante. L’histoire de ces tueurs sympathiques est pimentée par des touches de rock’n’roll, de football et d’humour.