Littérature étrangère

Desmond Hogan

Les Feuilles d’ombre

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Chronique de Marie Hirigoyen

Librairie Hirigoyen (Bayonne)

Paru en 1980 et remanié, ce deuxième roman vibrant et élégiaque, confirme le talent d’un auteur irlandais majeur et étrangement méconnu. De toute beauté.

Il s’appelle Liam Kenneally, « l’adolescent, le sage, le nomade ». Il fascine son ami, le narrateur, issu comme lui de la haute bourgeoisie irlandaise. Années 1940, dans une petite ville de l’ouest, l’épouse du Docteur Kenneally, une belle femme russe, élégante et mystérieuse, tient salon et reçoit l’élite artistique et politique du pays. Nerveusement fragile et drapée d’une aura singulière, ayant traversé la Révolution de 1917, elle va marquer durablement la vie émotionnelle et intellectuelle de cinq jeunes gens : « Nous sommes tous liés, nous ne faisons qu’un, jeunes gars de Russie en 1918 ou jeunes gars d’Irlande en 1949 ». Ils deviendront adultes, découvriront les errances de l’amour, à l’unisson de leur pays, nation balbutiante déchirée par ses contradictions, abîmée par l’Histoire, hantée par les martyrs de 1916 et la tragédie fratricide du Nord. Durant leurs séjours à Dublin, à Londres et aux États-Unis, ils seront acteurs et témoins de l’évolution des mentalités et de l’ouverture au monde. Desmond Hogan a le génie d’un peintre, il brosse des à-plats sombres et brumeux d’où émergent des détails saisissants. Entre le regard aigu du Joyce de Gens de Dublin et les fulgurances poétiques hyperréalistes de Claire Keegan, il prend sa place dans l’eau vive de la grande littérature irlandaise.

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