Littérature étrangère

Ignacio del Valle

Les Démons de Berlin

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Chronique de Marie Hirigoyen

Librairie Hirigoyen (Bayonne)

Après Empereurs des ténèbres, somptueuse fresque noire sur neige, voici la suite des aventures guerrières d’Arturo Andrade dans les ruines de Berlin, au moment où l’Armée rouge marche sur la capitale. Flamboyant.

Le sang, la glace et le blizzard à Leningrad, le feu, la cendre et le sang à Berlin. Ignacio del Valle, jeune auteur prodige espagnol, s’inspire décidément de la palette de Goya. Si, en 1943, le Caudillo prête main-forte à Hitler contre les Russes, deux ans après, sentant le vent de la défaite, il décide le repli de la division Azul vers Madrid. Seule une poignée d’hommes reste au cœur de ce Reich moribond vers lequel les Alliés convergent. Arturo Andrade, personnage trouble fasciné par le théâtre de la violence, se voit confier une mission : trouver le meurtrier d’un scientifique chargé du programme d’armement et renseigner ses supérieurs sur les wunderwaffen, les « armes merveilleuses » de destruction totale. Sous une pluie de bombes, dans une ville fantomatique en proie à la famine et à la peur, son enquête le mène dans des caves blindées où des orgies de fin du monde battent leur plein, dans le bunker du Führer sous la chancellerie livrée à la panique et à la rencontre d’aristocrates hallucinés par les mythes nordiques. Bien qu’officier franquiste en croisade contre les bolcheviques, Andrade ne peut adhérer aux valeurs nazies. Il condamne en effet « la fin de l’héroïsme sur le champ de bataille, la disparition de la morale guerrière » et s’interroge sur ce qui le fascine : « Peut-être la guerre était-elle devenue un état de conscience, un état primitif et hypnotique qui le maintenait attaché à son mystère, à son danger, à sa beauté ? » Le lyrisme noir d’Ignacio del Valle excelle à montrer les scènes dantesques qui traversent cet épisode de folie humaine : des chevaux affolés la crinière en feu galopent devant un horizon en flamme, les lions du zoo affamés dévorent des soldats tandis que de cauchemardesques silhouettes couvertes de cendres surgissent des abris anti-aériens. En ce printemps 1945, sous le ciel « d’un bleu cruel », les flammes cathartiques s’emparent de Berlin.

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