Littérature française

Emmanuelle Pirotte

Flamboyant crépuscule d’une vieille conformiste

illustration

Chronique de Emmanuelle George

Librairie Gwalarn (Lannion)

Qu’ils sont précieux les romans impertinents, vivifiants, roboratifs et jubilatoires comme celui d’Emmanuelle Pirotte. Une rencontre à ne pas rater ? La confession de Madame Dominique Biron. Assurément !

Voici un roman au titre prometteur : Flamboyant crépuscule d’une vieille conformiste. Et qui tient ses promesses de bout en bout. Sa première phrase ? Irrésistible entrée en matière en guise de présentation ! « Mon nom est Dominique Biron et je n’ai jamais réussi à m’y faire. Depuis près de quatre-vingt-deux ans, je hais de toute mon âme ce que ces cinq syllabes expriment d’invisibilité, de tiédeur insipide, de discrétion bigote. » Autrement dit, il semblerait que ce monologue soit loin d’être tiédasse. Pour preuve, une dizaine de lignes plus loin : « Je m'appelle Dominique Biron et j'ai décidé de mourir dans trois jours. C'est le temps qu'il a fallu au Christ pour revenir d'entre les morts, ça me suffira bien pour faire mon petit ménage. » En effet, quand c’est Alzheimer qu’on lui diagnostique, Dominique préfère ne pas « s'attarder ». Elle s’organise donc pour faire ses adieux à sa famille, ses petites routines, sa petite vie. Quand elle fait le tri dans ses affaires comme dans ses souvenirs, c'est avec une joie féroce. Sa vie relativement confortable et bourgeoise n’a jamais éteint la flamme de sa clairvoyance et de sa liberté. Pourtant, elle le reconnaît, le plus délicat sera de faire comprendre son choix à sa petite-fille. En trois jours, du lundi au mercredi, Dominique se raconte, vitupère un peu, beaucoup, organise son départ. Elle ne s’énerve pas, non, elle explique. Dans un texte qui étonne, qui détonne, Emmanuelle Pirotte livre une confession à la lucidité implacable déchirée d'éclairs de tendresse et de drôlerie. Très lié aux problématiques de notre époque, ce roman interroge notre rapport à la mort et au libre-arbitre. Vivifiant et irrévérencieux, voici le portrait d’une mamie pas si conformiste, qui ose, avec brio, un dernier face-à-face avec elle-même. Flamboyant !

Les autres chroniques du libraire