Littérature française

Vincent Almendros

Faire mouche

illustration

Chronique de Emmanuelle George

Librairie Gwalarn (Lannion)

En matière de littérature, les éditions de Minuit sont aussi renommées pour leurs couvertures sobres à l’élégant liseré bleu sur fond blanc que pour leur ligne éditoriale qualitative et incisive. De nombreux grands auteurs, stylistes d’exception, y excellent dans l’art du « roman court ». Depuis de nombreuses années, dans la veine du « roman d’atmosphère » mâtiné de noir, tendance « huis clos familial », on s’y délecte, par exemple, des intrigues d’Yves Ravey et on applaudit à chaque parution d’un « nouveau Tanguy Viel ». Désormais, il faudra aussi compter sur le talent de Vincent Almendros pour se délecter. Dans son troisième roman aux allures de drame en trois actes, tout fait mouche. L’entrée en matière, les décors, les personnages, les détails (du papier peint, des tricots de peau, de la langue de bœuf, etc.), les dialogues et, bien évidemment, la chute. Quand le narrateur arrive avec Claire, de nuit, dans le village de son enfance, « un trou perdu », et pénètre dans la maison familiale à l’odeur de renfermé, de naphtaline et d’humidité, l’atmosphère est remarquablement perturbante. Progressivement, entreront en scène un oncle, une mère, une cousine, etc. Et des mouches, que la chaleur de ces journées d’août met dans tous leurs états. À chaque court chapitre correspond un décor, un art de la mise en scène qui met tous les sens en éveil. De surcroît, à chaque instant surgit un indice, se profile un mystère, plane un malaise, se devine un secret, bourdonne une menace. Forcément, la tension croît au fil des pages : l’invitation au mariage de la cousine Lucie est prétexte à un huis clos familial délicieusement dérangeant. Le retour au village de l’enfance donne lieu à une histoire aussi oppressante, captivante que terrible, et sa lecture est terriblement addictive.

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