Littérature française

Thibault Bérard

Le Grand Saut

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Chronique de Victoire Vidal-Vivier

Librairie Le Marque-page (Saint-Marcellin)

Troisième roman de Thibault Bérard, Le Grand Saut reprend les thèmes chers à l’auteur. Les secrets de famille, la maladie et l’amour nous jouent ici une nouvelle partition, toujours aussi réussie.

Le roman commence avec deux histoires qui s’écrivent en parallèle. Les premières pages donnent le ton avec le personnage de Léonard, un homme âgé victime d’une crise cardiaque dans sa maison isolée. Parce qu’il s’agit d’un roman de Thibault Bérard, les dernières minutes avant sa mort seront l’occasion pour le vieil homme d’être spectateur des épisodes marquants de sa vie : les moments de bonheur mais aussi ceux où il a commis ses plus grandes erreurs. Les chapitres consacrés à Léonard alternent avec ceux construits autour du personnage de Zoé, petite fille d’une dizaine d’années qui vit avec son papa après l’internement de sa maman, victime d’une grande dépression et plongée dans un état catatonique. Quand Léonard est mis face à ses manquements et aux chances qu’il a laissé passer, Zoé essaye comme elle peut de rétablir le contact avec cette mère qui ne la voit plus. Thibault Bérard manie avec beaucoup d’habileté les grands drames de la vie.  S’il nous parle souvent des plus grandes douleurs, c’est pour mieux les sublimer et souligner l’amour et la force qui animent ses personnages. Au départ, le lecteur se demande quel lien peut exister entre ces deux histoires à priori indépendantes. Le suspense dure jusqu’aux tout derniers chapitres où nous est enfin dévoilé le fin mot de l’histoire. Ce texte, extrêmement maîtrisé, nous mène au plus proche des émotions, à fleur de peau, nous bouscule et nous écorche. Dans ce petit bijou tout en pudeur, l’auteur bouscule à nouveau les codes de la littérature, incorporant des éléments de fantastique à cette histoire de vies « normales », de gens comme nous. Et si ce roman-là s’éloigne du diptyque amorcé avec Il est juste que les forts soient frappés (L’Observatoire et J’ai Lu), il n’en demeure pas moins que Thibault Bérard sait décidément trouver les mots justes pour remuer l’âme.