Cantique du chaos

Pendant cinquante-quatre jours, il a plu sans discontinuer sur les nations devenues aveugles et obscènes, un déluge des temps modernes qui a décimé un tiers de la population. Il a fallu des années pour oublier le drame, un temps suffisant pour que les tyrannies s’imposent aux quatre coins du monde. Théo Gracques a décidé de rompre définitivement les amarres avec cette humanité qui ne lui convient plus. Abandonnant sa voiture sur les quais, il embarque pour une petite île quasiment déserte. Il se retire du monde. Sans électricité, sans eau courante, il ne veut plus avoir affaire à l’absurdité des hommes. Il doit également régler quelques comptes avec lui-même. Son passé trouble se dévoilera à travers des poèmes en prose délivrés progressivement, géographie du cœur qui débute en Louisiane et s’achève sur les bords de l’Orénoque. Sur l’île, il est surpris de découvrir qu’une femme, Chloé, vit là aussi avec ses deux enfants, Hugo et Joan. Lorsque leur havre de paix est menacé, c’est ensemble qu’ils fuient vers les États-Unis et finissent par s’installer dans un ranch inhabité au milieu des chardons et des coyotes. Le roman se transforme alors en un singulier road trip puis en cavale déraisonnable et nous offre une deuxième histoire. Cependant les fantômes ne sont jamais loin et les horizons ont beau être magnétiques, la violence et la souffrance peuvent surgir n’importe où. À nouveau, Théo voudra fuir la folie des hommes mais il se fait vieux et il est difficile de fuir ses propres démons. Cantique du chaos est un titre merveilleusement choisi pour un roman qui débute dans les ténèbres et s’achève dans un étrange paradis luxuriant en s’attachant à toutes les vies traversées par cet homme. Mathieu Belezi est toujours aussi féroce et son roman est sans aucun conteste un grand roman.