Littérature française

François Vallejo

Hôtel Waldheim

illustration

Chronique de Maria Ferragu

Librairie Le Passeur de l'Isle (L'Isle-sur-la-Sorgue)

Entremêlant deux époques, François Vallejo explore les méandres du souvenir et de la mémoire dans un livre fort qui convoque les fantômes du passé, entre roman noir et récit historique aux heures sombres de la Stasi.

Lorsqu’il reçoit une carte postale représentant un hôtel de Davos où il a séjourné adolescent, Jeff Valdera est loin de se douter du tour que va prendre sa vie avec ce courrier qui l’invite à réveiller ses souvenirs. Les messages écrits dans un français approximatif se multiplient et, même s’ils déclenchent une certaine inquiétude et un malaise grandissant, le destinataire décide de rencontrer l’auteur de ces lettres. Il fait la connaissance de Frieda Steigl, une femme imposante qui cherche à mieux comprendre le passé de son père et qui s’interroge sur le rôle que le jeune Jeff aurait pu jouer dans les problèmes que celui-ci a rencontrés par le passé. Forcé de reprendre le fil de ses souvenirs, Jeff nous entraîne à l’Hôtel Waldheim où il séjournait à l’âge de 16 ans, lors de vacances avec sa tante célibataire (et amoureuse du propriétaire de l’hôtel). C’est dans cette ambiance très Mitteleuropa, un brin désuète et où les apparences sont peut-être un brin trompeuses, qu’il croise une galerie de personnages hauts en couleur, découvre le jeu de go et les échecs, se lie d’amitié avec une vieille dame férue de La Montagne magique de Thomas Mann… La mémoire est une joueuse de tours et Jeff découvre bien malgré lui qu’il est parfois nécessaire de démêler les faux-semblants des réalités que l’on s’est construites. En interrogant la mémoire individuelle face à la mémoire collective et officielle, François Vallejo nous livre un texte émouvant et sombre au temps de la guerre froide. Dans ce roman foisonnant, l’auteur explore, par-delà le souvenir, l’importance de la langue, des mots passés au crible du temps, de ce qui restera de ce que l’on a dit et fait, une façon de nous renvoyer à notre humanité en rappelant que les mots peuvent sauver aussi bien qu’ils peuvent blesser.

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