Littérature française

Daniel Picouly

Quatre-vingt-dix secondes

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Chronique de Maria Ferragu

Librairie Le Passeur de l'Isle (L'Isle-sur-la-Sorgue)

1902. La Montagne Pelée en Martinique a tué 30 000 personnes en 90 secondes et rasé la ville de Saint-Pierre. Daniel Picouly retrace les heures précédant l’éruption dans un roman captivant !

I l y a de la poésie dans l’inéluctabilité de la fin des habitants de la ville de Saint-Pierre. On le sait, l’issue sera fatale pour le plus grand nombre d’entre eux. Pourtant, Daniel Picouly nous passionne autour de ces vies sur le point de basculer. C’est d’abord le ton qui captive, cette voix qui s’élève, qui gronde. Celle de la Montagne Pelée qui nous raconte pourquoi le drame va arriver. En choisissant ce narrateur omniscient et distancié à la fois, Daniel Picouly offre une place de choix au lecteur, observateur privilégié de la catastrophe. Les hommes ont peut-être été un peu trop égoïstes, un peu trop inattentifs aux signes, trop pressés de gagner de l’argent et des terres, et le volcan, comme une vengeance divine, va s’abattre sur la ville et ses habitants. Il y a Louise et Othello qui tentent de s’aimer, en dépit du protecteur de celle-ci qui pensait bien se garder la jouvencelle ; il y a Julie, la mère adoptive d’Othello, qui aime comme elle respire ; il y a les hommes de pouvoir obsédés par les élections ; il y a ceux qui fuient et ceux qui pensent pouvoir défier les éléments. Lorsqu’ils sont confrontés aux drames, les hommes révèlent leur vraie nature et la Montagne n’en finit pas de nous raconter les turpitudes et les faiblesses des uns et des autres. Mais le volcan est aussi attentif aux signes, il nous raconte cette vie qui l’habite, cette colère qu’il doit laisser sortir et cette montagne prête à se déchaîner se révèle un personnage très attachant. Cette galerie de personnages fait écho à nos sociétés actuelles et au mépris qu’elles expriment parfois face aux signaux d’alerte envoyés par la nature. Un magnifique texte qui nous emporte dans un monde aux résonances contemporaines et nous rappelle toute la fragilité de la condition humaine face aux éléments.

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