Polar

Attica Locke

Bluebird, Bluebird

illustration

Chronique de Alexandra Villon

Librairie La Madeleine (Lyon)

Plantons le décor : une petite bourgade paumée du Texas. Un double meurtre : une blanche et un noir. Un Ranger noir. Une Fraternité aryenne suprémaciste. Le nouveau polar d’Attica Locke, sans détour, annonce la couleur.

Remarquée en 2009 et couronnée par le prix Edgar-Allan-Poe pour son premier polar Marée noire (Gallimard et Folio policier), Attica Locke, romancière afro-américaine née au Texas, n’a cessé depuis d’écrire des intrigues policières s’inscrivant dans un contexte de haine raciale, de ségrégation, pointant du doigt les failles et les discriminations qui ont encore cours au sein de la société américaine, et tout particulièrement dans certains lieux où l’Histoire a laissé des traces, comme au Texas. Dans son nouveau roman, l’auteure met en scène Darren Mattews, un Ranger noir dont l’attention a été attirée par un double meurtre commis à Lark, une petite bourgade du Texas au bord du bayou Attoyac. Le corps d’un homme noir, venant de Chicago, a été retrouvé dans la rivière, suivi deux jours plus tard par celui d’une jeune fille blanche. Un schéma inversé qui ne colle pas selon Darren, habitué à ces crimes raciaux qui laissent peu de place au doute. Deux bars scindent la ville en deux : le café de Geneva, repère jazzy des noirs de la ville et le Chevy, bastion des blancs. Au sein d’une même communauté, les êtres et les couleurs ne se mélangent pas. Et quand ils le font, ça dérape. C’est ce que Darren, en fouillant dans les petites histoires de chacun, va tenter de prouver pour résoudre cette troublante affaire. Or, quand on est un Ranger noir et qu’on décide d’aller fourrer son nez – en marge de sa hiérarchie bien sûr – dans des affaires qui impliquent une Fraternité aryenne très mal intentionnée, on s’expose forcément à des complications. Attica Locke nous propulse au cœur du marais américain, suintant la corruption et la haine raciale. Son roman, haletant, brutal et bien ficelé, nous plonge dans l'ambiance d'un Texas gangrené par son histoire. On en ressort avec effroi, stupéfait et empli de colère.

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