Littérature étrangère

Edna O'Brien

L'Objet d'amour

✒ Margot Bonvallet

(Librairie Passages, Lyon)

Un recueil au titre court mais parlant, pour trente et une nouvelles sélectionnées parmi la centaine publiées par Edna O’Brien, grande dame des lettres irlandaises, enfin traduites en français. Un alliage étincelant d’audace et de maîtrise.

On ouvre ce recueil avec émotion et hâte de lire la nouvelle qui donne son titre au recueil, « L’Objet d’amour ». On sait qu’il va s’agir de voix peu entendues, en retrait, en marge, rurales mais dont la sensualité ne se berce pas d’illusions. L’autrice a le génie du ton et du mot justes, ne force jamais le rythme. Et sa musique ne ressemble à aucune autre. Elle s'attaque aux mystères les plus intimes avec élégance, légèreté et, paradoxalement, avec une étonnante profondeur. L'amour demeure le sentiment privilégié qui soude les récits. Edna O'Brien sait en finesse décrire le monde des femmes : mères, filles, maîtresses, nonnes, écolières, veuves ‒ leurs frustrations et leurs humiliations, leur fausse innocence, leurs désillusions ‒ avec une compassion extraordinaire, leurs vulnérabilités apparaissant de manière poignante. Cela dit, les hommes ont parfois leur moment de gloire, par exemple des ouvriers irlandais sans le sous venus en Angleterre pour trouver du travail. Mais, avouons-le, souvent, les hommes d'Edna O'Brien sont des personnages amorphes, illustrant l’influence et le pouvoir qu'ils exercent sur les personnages féminins. Il n'est donc pas étonnant qu’elle ait été qualifiée de « Soljenitsyne de la vie irlandaise, celle qui a continué à parler alors que tout le monde avait cessé de parler du fait d'être une femme irlandaise ». Dans ce florilège aux airs d’autoportrait atemporel de l’autrice, toutes les thématiques sont simplement humaines, déclinées avec une concision propre à la nouvelle, émaillée d’un art sublime du portrait social, d’une élégance constante et cadencée, par moments savamment humoristique. Si pour l’autrice, l'écriture devenait plus difficile à mesure qu'elle vieillissait, ce recueil est une démonstration qu'elle n'a jamais rien perdu de son talent.

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