Essais

Camilla Townsend

Le Cinquième Soleil

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Chronique de Jérémie Banel

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Au-delà des idées reçues, de la légende noire et du folklore, la vie et l'Histoire d'une des grandes civilisations de l'Amérique précolombienne est ici racontée avec autant de rigueur que de verve.

On connaît (ou l'on croit connaître) les sacrifices rituels et sanguinolents, les costumes à plumes et quelques figures exotiques ; pour les plus avisés d'entre nous, la différence entre Mayas, Toltèques et Incas est à peu près claire. Pour le reste, le livre de Camilla Townsend, nourri d'un travail inédit et d'une connaissance approfondie de la langue nahuatl, déploie la grande Histoire desdits Aztèques (une appellation à considérer elle-même avec prudence) et leur donne toute la place qu'ils méritent. Une histoire longue qui commence à l'époque des franchissements pédestres du détroit de Béring et dont l’apogée prend place entre les XIIIe et XVIIe siècles. C'est l'ère de Tenochtitlan, une ville à la pointe de son époque qui n'avait rien à envier aux grandes capitales européennes, et d'une forme d'organisation impériale publique et étatique originale et sensible qui disparaîtra soues les coups des troupes de Cortès. Au fil des pages, les ressemblances autant que les écarts avec l'Europe dessinent un récit mois linéaire qu'attendu et suscitent une réflexion passionnante sur les trajectoires des sociétés et des individus qui les composent. Quant à la mémoire de ces événements passés, elle se transmettra entre dissimulation, reformulations et incompréhensions, que ce soit dans les chroniques en langue originale ou dans la documentation produite par les colons. C'est là le sens de l'introduction astucieuse de chacun des huit chapitres, composée d'un court récit mythique, support d'une réflexion d'un peuple sur lui-même, soucieux de la trace qu'il laissera dans l'Histoire et inquiet de sa possible disparition : au milieu du deuxième millénaire, en attendant la nouvelle version du monde produite par le « cinquième soleil », ils savaient déjà que les civilisations étaient mortelles.

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