Jeunesse

Louis Atangana

Billie H.

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photo libraire

Chronique de Gwendal Oulés

Librairie Récréalivres (Le Mans)

Après avoir publié dans la collection « doado » du Rouergue plusieurs romans marqués par ses origines camerounaises, Louis Atangana, par ailleurs grand amateur de musique, s’attaque à une figure majeure de la culture noire américaine du jazz : Billie Holiday.

Après tant de biographies de référence, et en particulier celle d’Alain Gerber, Lady Day (Le Livre de Poche, 2008), comment écrire sur cette immense artiste, mais aussi, peut-être, la faire découvrir à la nouvelle génération ? Louis Atangana choisit de se concentrer sur l’enfance et l’adolescence de Billie Holiday, avant qu’elle ne se fasse connaître sous son nom d’artiste. Le parti pris se révèle très pertinent, et cela jusque dans ses limites qui impliquent de laisser le lecteur au seuil de la carrière de la chanteuse, lorsqu’elle signe son premier contrat avec une maison de disques. L’auteur raconte à hauteur d’enfant, insufflant au matériau biographique un tempo rapide à mille lieues du lamento tragique sur lequel il aurait été aisé de se caler. Il suit Eleanora à l’école et dans les rues du Baltimore des années 1930 où elle fait les 400 coups, et dessine, en outre, le portrait d’une mère aimante mais perdue, capable de s’accommoder de la prostitution de sa jeune fille. Il donne à lire tous les coups reçus, les humiliations et la misère, tout en brossant le portrait d’une force de la nature animée par un désir de vie et de joie immense. Eleanora est portée très tôt par sa rencontre avec la musique et le chant, passions intimement liées, sans doute indissociable de la quête d’un père guitariste absent, avec qui les retrouvailles seront décisives et cependant très éloignées de celles espérées. Louis Atangana se fait le témoin privilégié de tous ces moments qui feront sens, de ceux qui construiront la future artiste, des nombreuses blessures qui constituent la singularité et la source de cette voix incroyable. Il y a dans Billie H. des pages inoubliables, celles, notamment, qui voient Eleanora partager la dernière nuit de Rébecca, sa grand-mère, celles qui saisissent la stupéfaction du public en découvrant le chant de Billie : beaucoup de douleur, autant de beauté.

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