Littérature étrangère

Nickolas Butler

Scout un jour, scout toujours !

photo libraire

L'entretien par Béatrice Leroux

Librairie Les Traversées (Paris)

Deux ans après le très remarqué Retour à Little Wing (prix Page/America 2014), Nickolas Butler revient avec Des hommes de peu de foi, roman très réussi qui vous attrape dès les premières pages pour vous emmener dans un camp scout du Wisconsin. Allez-y les yeux fermés, vous ne le regretterez pas.

Pourquoi avoir écrit un roman dans lequel les personnages principaux sont des scouts ? Avez-vous été vous-même scout ?
Nickolas Butler — Oui, de l’âge de 6-7 ans à 18 ans. Honnêtement, je ne me suis pas assis en me disant que j’allais écrire un livre sur le sujet. J’avais plutôt en tête une histoire d’amitié et de fidélité entre hommes s’étalant sur une soixantaine d’années. Notre technologie change sans arrêt, tandis que les boys scouts n’ont presque pas changé depuis tout ce temps. C’est quand même très étrange pour moi de voir des hommes dans un uniforme semblable à celui qu’ils portaient jeunes.

Les femmes dans votre livre sont de magnifiques battantes, aimantes et mères. Mais en réalité, ne seraient-elles pas juste des desperate housewives ?
N. B. — Je pense que Dorothy, la mère dans la première partie, n’a pas vraiment le potentiel culturel et la force lui permettant d’être autre chose que ça. Dans la deuxième partie, c’est quasiment la même chose. Si je devais critiquer mon roman, je dirais qu’elle est un personnage fade. Mais, ce n’est pas du tout le cas dans la troisième partie : Rachel a un travail, une forte personnalité, elle aime faire du canyoning, du camping. Elle a eu des moments très durs avec les hommes mais ce n’est pas sa faute, je ne pense pas qu’elle soit une desperate housewife.

Les guerres (Première et Seconde guerres mondiales, Vietnam, Afghanistan) sont très présentes dans votre roman, et surtout leurs conséquences sur les hommes : cauchemars, violence, alcoolisme… Pourquoi ?
N. B. — Il est étrange de se dire qu’être scout, c’est quasiment un entraînement pour entrer dans l’armée. Dans ma vie personnelle, j’ai fait faire des travaux par un soldat revenu d’Afghanistan, un type très sympa, travailleur, silencieux. Nous sommes devenus assez proches. Un jour, nous n’avons plus eu besoin de lui, il est parti. Une nuit, il m’appelle pour me demander si je n’ai pas encore différentes tâches à lui proposer. Je n’en avais pas, malheureusement. De nouveau, plus de nouvelles, jusqu’au jour où je lis dans le journal son avis de décès : il s’était suicidé. Ce genre d’histoire arrive tout le temps. Qu’est-ce que ça veut dire d’envoyer quelqu’un à la guerre quand, à son retour, personne ne prend soin de lui ? Cette situation se répète à chaque génération. C’est très triste.

La dernière partie se situe en 2019. Pourquoi dans ce futur très proche et non tout simplement en 2016 ?
N. B. — Très bonne question ! Il était important pour moi que les deux premières parties se déroulent en 1962 et 1996. Dans la première partie, les matchs et résultats de base-ball sont authentiques. Sachant les lecteurs très pointilleux sur les détails des événements qui les intéressent, et comme ce roman aborde des sujets variés, je voulais par conséquent que tout soit exact. Je me demande si les lecteurs français seront sensibles aux passages sur le base-ball… Dans la seconde partie très autobiographique, là aussi, toutes les références musicales et cinématographiques devaient être exactes. Concernant la troisième partie, je la souhaitais dans un futur proche, mais je ne pense pas que cette date soit vraiment importante.

Vouliez-vous rendre hommage à quelqu’un en particulier dans ce roman ? Aux Soldats ? Aux mères ? Aux scouts ?
N. B. — Non, je ne pense pas que je voulais rendre hommage à qui que ce soit. C’est un ensemble de choses. Certains lecteurs vont penser, voyant la photo et le titre, que c’est un livre sur les hommes. Pourtant, le texte est dédié à ma mère… J’ai beaucoup pensé à la manière dont elle nous avait élevés seule en jouant aussi le rôle si important du père.