Littérature étrangère

Eka Kurniawan

L’Homme-tigre

HW

✒ Hélène Woodhouse

(Librairie Le Bateau Livre, Lille)

L’Homme-tigre, deuxième roman de l’écrivain indonésien Eka Kurniawan et le premier traduit en France, fait partie des belles découvertes de la rentrée. Ne passez pas à côté de l’invitation au voyage offerte par ce petit bijou !

Ce que l’on aime (entre autres) chez Sabine Wespieser, c’est ce don pour dénicher des romans empreints d’un exotisme fort et qui savent toucher nos âmes d’Européens. Car après tout, on pourrait très bien ne pas se sentir concerné par cette histoire se déroulant au cœur d’un petit village indonésien. Et pourtant, malgré le choc des cultures, on se sent terriblement proche des personnages d’Eka Kurniawan. Le roman s’ouvre sur un meurtre commis par un jeune homme, Margio, qui avouera tout de suite son crime. Ce qui reste plus mystérieux, c’est pourquoi il est passé à l’acte, et comment : le vieil homme est quasiment décapité, comme s’il avait été attaqué par un tigre. Or, c’est justement ce que dira Margio : un tigre habite en lui. Depuis combien de temps cohabitent-ils ensemble ? Pour approcher la réponse, l’auteur choisit de nous en éloigner, et repart en arrière en nous racontant l’histoire de Margio, sa jeunesse, son enfance, les difficultés qui ont jalonné l’existence de la famille... On découvrira un père violent, peu aimant, une mère qui rêvait d’un véritable foyer, une petite sœur morte trop jeune, et puis, tout de même, on trouvera un peu d’amour. Le traducteur, Étienne Naveau, a su garder de nombreux mots et expressions indonésiens qui donnent à ce roman une véritable couleur et ajoutent à l’originalité de la construction. Eka Kurniawan nous rappelle avec brio que tout dénouement prend sa source dans les racines de l’Histoire, et que, bien souvent, du passé découlent les réponses du présent. Il y a de la fable et du conte dans ce roman, du terre à terre et du mystique, un mélange subtil et réussi entre une histoire qui vous berce, et une sauvagerie qui vous fascine... Méfiez-vous des félins qui dorment !

Les autres chroniques du libraire