Littérature française

Carole Fives

Le Jour et l'heure

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Chronique de Cyrille Falisse

Librairie Papiers collés (Draguignan)

Être libre, c’est pouvoir choisir. Dans un texte merveilleux où les voix des enfants se superposent pour raconter la fin de vie médicalement assistée de leur mère, Carole Fives trouve la juste distance.

C’est cette distance qui est au cœur de ce texte sur l’euthanasie. Comment l’écrire ? Comment ne pas déborder sur le sentimentalisme et perdre la force de la raison qui conduit une personne à choisir de mourir ? L’auteure l’explique avec intelligence et finesse : ce n’est pas une folie ou de la lâcheté, c’est un acte d’amour souvent, pour permettre aux proches de faire un deuil digne. C’est aussi une façon élégante de ne pas imposer sa souffrance comme seul souvenir, car les masques de la douleur sont souvent l’image rémanente qui reste dans la mémoire de ceux qui survivent. Carole Fives le souligne : le débat cristallise des peurs et des colères éculées. Dans certains pays, on ne remet plus ce droit en question. En France, on ne peut toujours pas choisir le jour et l’heure. Il faut aller en Suisse ou en Belgique, comme dans le livre, faire le dernier voyage vers la mort, en avoir le loisir et le temps, l’argent et la force. Dans ce roman, trois sœurs, un frère et un père. Tous ont compris le choix de leur mère. Quatre d’entre eux sont médecins, seule la petite dernière a eu une autre vocation, elle est artiste. Une façon pour l’auteure de placer son récit dans un milieu averti et au fait de l’état des patients en soins palliatifs, de la difficulté d’amener quelqu’un qu’on aime jusqu’à la frontière de la vie, quand son corps amaigri n’est plus qu’un tombeau de grimaces. Une manière surtout de dire que seuls ceux qui savent et peuvent, et en ont les moyens financiers, peuvent aujourd’hui abréger leurs souffrances. Carole Fives prend le temps avec ce dégradé d’impressions et d’opinions de faire un état de la médecine de l’accompagnement en France. Elle explique, de façon lumineuse, la difficulté pour le corps médical de reconnaître sa défaite, de dire : « vous allez mourir ».