Essais

Le Monde

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Chronique de Valérie Wosinski

Pigiste ()

À tout combat, il faut un chroniqueur. Dans le combat politique en premier lieu. Et c’est dans les pages du grand quotidien d’après-guerre que l’on retrouve le récit de ces luttes. Ce serait un tort majeur de les oublier.

La Ve République fut taillée sur mesure pour De Gaulle. Au point que l’on craignait, lui parti, que le costume fût trop large pour ses successeurs, à commencer par Georges Pompidou, novice en politique lorsqu’il devint Premier ministre en 1962. À relire la sélection d’articles du Monde, on mesure combien peuvent sembler vaines les agitations du moment. Le quotidien, c’est aussi le transitoire, l’écume des événements à la surface de l’Histoire. Pour autant, on peut y lire de grandes tendances sur ce demi-siècle de vie politique en France. Surtout, on pressent les problèmes qui sont aujourd’hui les nôtres et qui, alors, n’étaient encore qu’en devenir. La stricte séparation des pouvoirs (exécutif et législatif) de mise aux États-Unis est très peu prononcée de ce côté de l’Atlantique. Les partis politiques n’ont pas, en France, la même assise qu’en Angleterre. Enfin, le président de la République est un homme seul face à la France, ainsi que l’entendait le Général. Encore n’est-il pas donné à tous de « parler de la France à la France », et le lien direct entre le pays et son représentant suppose une alchimie que bien des hommes d’État ne surent trouver. On peut penser à Jacques Chaban-Delmas ou, plus récemment, à Lionel Jospin. De même, le financement des campagnes et des partis, avec ce qu’il suppose de proximité entre les mondes politique et économique, a fatalement conduit à des « accommodements » qui ont entaché (entachent toujours) la probité de la vie publique. Quoi qu’il en soit, et si décriée qu’elle fût à sa naissance, la Ve République a perduré malgré les scandales, les alternances (les cohabitations) parfois houleuses, les aléas de cet exécutif à deux têtes (Président et Premier ministre) dont le subtil équilibre a souvent tangué sous les assauts de l’ambition personnelle. C’est tout cela que l’on retrouve dans ces articles, mais magnifié par de vrais plumes vigoureuses, des plumes qui paraissent plus rares de nos jours. Il est vrai que la presse écrite n’est plus ce qu’elle était.