Jeunesse

Gaia Stella

Au marché, je choisis...

illustration
photo libraire

Chronique de Gwendal Oulés

Librairie Récréalivres (Le Mans)

Le printemps pointant le bout de son nez (et c’est, vous le comprendrez vite, tout à fait à propos), les éditeurs présentent leurs jeunes pousses sorties des serres. La récolte s’annonce exceptionnelle si l’on en juge par les quatre albums que voilà.

De nez, il est effectivement question dans JardiNEZ ! Un livre à lire avec le nez, invitation à aller fureter sur les traces d’une souris dans les plates-bandes de l’auteure et illustratrice Betty Bone. La petite curieuse conduit le lecteur dans un jeu de piste olfactif au sein d’une forme d’inventaire du jardin et de la langue française. Chacun est invité à frotter certaines parties des illustrations pour libérer de surprenantes odeurs. Les doubles pages impriment un rythme binaire tout en contradictions pour signifier la diversité des formes que peuvent revêtir les jardins. Le graphisme de Betty Bone, son sens de la mise en page et des couleurs, font de cet album une réussite pleine d’élégance avec une pointe de grotesque caractéristique. L’humour est aussi présent dans cette autre forme d’inventaire qu’est l’irrésistible Minute, papillon ! de Gaëtan Dorémus. Une chenille s’est glissée dans un recueil de planches descriptives consacrées aux fruits et légumes. Le discours scientifique est battu en brèche par l’insecte à l’esprit prodigieusement contradictoire. Les lecteurs, invités à cette joute verbale, sont amenés à observer l’illustration à gauche et par là même à relativiser la supposée mauvaise foi du prétendu ogre. Car la contemplation d’un potager est un exercice somme toute comparable à celle d’un ciel nuageux. La nature reprendra finalement ses droits pour clouer le bec de celle qui ne sera effectivement plus au final une chenille. Les éditions Hélium publient conjointement deux albums ravissants : Le Potager d’Alena de Sophie Vissière et Au marché, je choisis… de Gaia Stella. Le premier raconte avec simplicité le travail d’une maraîchère sous l’œil curieux d’une jeune voisine. L’album fait ressentir finement le temps et l’espace pour placer l’enfant au centre d’une démarche de consommation responsable. Les illustrations vintage (effets de pochoirs, gamme de couleurs resserrée, formes simplifiées) achèvent d’inscrire ce bel album comme sa philosophie entre tradition et modernité. Le livre-objet de Gaia Stella, en revisitant la forme de l’imagier des fruits et légumes, apparaît de fait comme une sorte d’entrée en matière pour les bébés lecteurs. L’album tout carton est aussi un puzzle d’emboîtement : les formes détachables sur la page de droite peuvent ensuite trouver leur place dans un petit sac en tissu rouge fourni avec le livre. Un premier exercice de reconnaissance, le début d’un apprentissage indispensable : choisir un bon livre, choisir une bonne tomate, même combat !

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