Polar
Victor del Arbol
Personne sur cette Terre

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Victor del Arbol
Personne sur cette Terre
Traduit de l'espagnol par Alexandra Carrasco
Actes Sud
07/05/2025
338 pages, 23,50 €
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Chronique de
Nathalie Sarles
Librairie Paroles (Saint-Mandé) -
❤ Lu et conseillé par
7 libraire(s)
- Laurence Behocaray de I.U.T. Carrières sociales, Université (Tours)
- Betty Duval-Hubert de La Buissonnière (Yvetot)
- Séverine Aumont-Sanz de Volte pages (Olivet)
- Laurence Grivot de Au moulin des lettres (Epinal)
- Ophélie Drezet de La Maison jaune (Neuville-sur-Saône)
- Emmanuelle Cassagnes de Librairie Liber & Vous (Bourgueil)
- Nathalie Sarles de Paroles (Saint-Mandé)
✒ Nathalie Sarles
(Librairie Paroles, Saint-Mandé)
L’auteur catalan nous plonge à nouveau dans la noirceur et les mystères de l’âme humaine. Le passé et le présent, la vengeance et le pardon, la violence et la douceur s'entrechoquent dans ce récit fort et prenant, entre Galice et Catalogne. Un polar réussi qui touche ce qu’il y a de plus profond en nous.
Espagne, 2005. Après une mise à pied pour acte de violence sur un entrepreneur reconnu et protégé, l’inspecteur Julián Leal revient sur les terres de son enfance, en Galice. Là où, trente ans auparavant, il fut témoin de l’incendie criminel de la maison familiale et du meurtre de son père. L’accueil de ceux qu’il a laissés il y a des années pour partir à Barcelone n’est pas des plus chaleureux mais il doit comprendre ce traumatisme trop longtemps enfoui. Une autre raison essentielle le pousse dans cette direction. Mais comme l’auteur, je n’en dirai pas plus pour respecter son art de distiller chaque information à bon escient. Ce texte débute par un prologue poétique et fort écrit à la première personne, un être mystérieux, « qui ne se nomme pas, n’existe pas », nous conduit vers Julián, héros complexe, humain et torturé. De la capitale catalane au territoire des souvenirs, un présent âpre, violent et un passé tout aussi brutal s'entremêlent. Sur ce chemin parsemé de rencontres d’anges, de démons et d’êtres emplis de contradictions, nous croisons un jeune garçon entraîné dans un trafic de prostitution organisé par son beau-père, un tueur à gages humaniste qui dévie ses tirs pour sauver certaines cibles, un politicien enfermé dans sa puissance malsaine, des amis d’enfance méfiants et rarement innocents, et Clara, ancienne journaliste hospitalisée pour des addictions, amie et petit à petit aimée. L’aspect social de ce récit aux multiples entrées a toute son importance. Victor del Arbol a grandi dans un quartier difficile de Barcelone et l’on sent à travers ses mots une nécessité viscérale à retranscrire cette pauvreté, à témoigner de cette dichotomie inéluctable entre ceux qui resteront à jamais dans cette fange et les puissants qui sortent trop souvent indemnes de toute situation. Au-delà de ces contes humains, il y a une histoire de territoires. La Galice et la Catalogne, deux terres côtières, un océan et une mer, des adversaires lors de la guerre d’Espagne, nationalistes contre républicains. Nous découvrons, après le très beau En attendant le déluge de Dolores Redondo, un autre regard sur le Nord de l’Espagne où l’atmosphère d’une terre marquée par l’Histoire et les anciens est tout aussi prégnante. L’auteur catalan, plusieurs fois primé, sonde les âmes et les lieux comme peu d’auteurs de romans noirs (tels le grand et unique Jo Nesbo ou le regretté Henning Mankell) et nous entraîne dans un récit juste, sombre et poétique qui ne vous laissera pas indifférents.