Essais

Naomi Klein , Rebecca Stefoff

Vaincre l'injustice climatique et sociale

illustration

Chronique de Jérémie Banel

()

Dans un monde complexe et insaisissable, le besoin d’éléments et de données concrets pour le décrypter et le rendre meilleur s’avère indispensable. Voici trois ouvrages porteurs de pistes et d’analyses pour s’orienter dans la crise sociale autant qu’écologique.

Figure incontournable du débat public en France et au-delà, Thomas Piketty dirige une nouvelle enquête économique et sociale au long cours et à l’ampleur probablement inédite, accompagné d’Amory Gethin et Clara Martínez-Toledano. Leur étude collective, Clivages politiques et inégalités sociales, brosse un tableau des liens entre groupes sociaux (classes, genres, origines ethniques…) et choix politiques dans cinquante démocraties et sur les cinq continents, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un ouvrage forcément dense et riche de chiffres et d’enseignements, au sein duquel les auteurs, par leur talent de synthèse, et une volonté de clarté assumée, parviennent à isoler tant des particularismes locaux que les permanences dans le temps et l’espace. Un livre utile et précieux pour comprendre précisément les dynamiques électorales.

Naomi Klein, de son côté, accompagnée ici par Rebecca Stefoff continue de documenter et d’alerter sur une autre facette de notre modernité, en la liant comme à son habitude aux problématiques sociales : la crise climatique. Dans un ouvrage à la portée plus pédagogique que ses précédents, elle synthétise avec brio les connaissances scientifiques, les croisant avec les enseignements de ses enquêtes précédentes et les pistes politiques et militantes concrètes de celles et ceux qui alertent inlassablement sur la catastrophe à venir. Là aussi, les données fiables et précises sont utiles et nécessaires et là aussi, leur conclusion est sans appel. Naomi Klein parvient, comme souvent à introduire une part d’espoir, liée à la seule issue possible selon elle : la lutte déterminée, pour préserver tant qu’il est encore possible l’habitabilité de notre planète.

De son côté, et dans un versant plus théorique mais toujours arrimé solidement à des exemples et des faits concrets, Michael J. Sandel explore la face cachée de nos discours politiques et en dévoile les effets parfois pervers. Après Justice il y a quelques années (Albin Michel), il consacre son nouveau travail à la notion de mérite, souvent au centre des discours publics, pour minutieusement dévoiler ce qu’elle sous-tend, au-delà de la vitrine d’une méritocratie pure et parfaite sur le papier. Le raisonnement est implacable, limpide et précis : le mérite est bien souvent dévoyé pour devenir un outil pour que rien ne change, renforçant les inégalités et favorisant des comportements de concurrence et de compétions accrues. Pour le bien de tous, il plaide pour un sursaut et un retour à une certaine forme de mesure, pour des sociétés moins basées sur la guerre de tous contre tous. Une solution d’avenir pour résoudre les problèmes évoqués plus haut ?

Les autres chroniques du libraire