Polar

Chris Brookmyre

Sombre avec moi

illustration
photo libraire

Chronique de Renaud Layet

Librairie Série B (Toulouse)

Tout le monde fut étonné lorsque Diana Jager, chirurgienne consumée par son travail, se maria. On le fut plus encore lorsque son mari mourut, à peine six mois plus tard. Mais on ne le fut pas tant que ça, il faut bien le reconnaître, lorsqu’elle fut accusée de l’avoir assassiné.

Si nous autres Français avions dû nous contenter jusqu’ici d’un simple échantillon de l’œuvre de Chris Brookmyre, les deux romans parus chez nous et mettant en scène la flic écossaise Angélique de Xavia nous avaient déjà permis de mesurer l’importance et la finesse de sa fibre féministe. Bien des années après, c’est toujours une composante essentielle de son dernier roman, puisqu’en plus d’un procès pour meurtre, sa dernière « héroïne » devra, après l’avoir déjà durement subi et combattu dans son milieu professionnel, faire face au sexisme une fois sur le banc des accusés, elle qui correspond si peu à l’image de la veuve éplorée qu’on voudrait qu’elle incarne. Mais attention, il ne s’agit pas ici d’une faible femme acculée par la vindicte populaire : froide, calculatrice, obsessionnelle, elle pourrait tout à fait avoir le profil d’une meurtrière. Au point que le doute subsistera jusqu’au bout chez le lecteur entraîné dans les tortueux méandres de l’esprit de cette femme fascinante. Car c’est bien la richesse de ce personnage, ainsi que celle des thèmes qu’elle lui permet d’aborder, qui va permettre à Brookmyre d’amener cet étourdissant thriller psychologique bien au-delà de ce que l’on attend habituellement de ce genre. Le suspense y est maîtrisé, les révélations aussi saisissantes que chez les meilleurs de ses confrères mais l’intelligence, l’humanité qui s’en dégage le place définitivement un cran au-dessus. Ne reste plus qu’à espérer que cet opus reçoive le succès qu’il mérite et que les œuvres précédentes de l’auteur traversent enfin la Manche dans son sillage.