Littérature française

Rachid Benzine

Voyage au bout de l'enfance

MR

✒ Mylène Rodriguez

(Librairie La Machine à lire, Bordeaux)

Ce récit du pire, raconté par un enfant brutalement emmené en Syrie par ses parents, nous plonge dans les méandres de la violence humaine et dans les confins de l'innocence enfantine.

Fabien aime le football, jouer avec ses amis mais par-dessus tout la poésie. Apprendre des poèmes, les réciter à ses parents et surtout à son instituteur, Monsieur Tannier, qui croit en son talent. Car il aime aussi écrire. Mais au lieu de dévoiler ses créations à sa classe, il fut emporté loin de Sarcelles, loin de l'enfance. Fabien devient Farid. Ses parents convertis à l'islam veulent répandre la gloire d'Allah en s'engageant dans les troupes de Daesh. Après leur rêve religieux, les désillusions mortifères. Mais le retour est impossible et les repentirs tardifs. Ils tentent alors de survivre dans un pays qui plonge de plus en plus dans les abysses de la mort et de la cruauté. Bien que la guerre le fasse grandir plus vite, Fabien reste malgré tout un enfant. Avec toute la simplicité et la spontanéité de son âge, il joue et s'adapte à ce nouvel environnement, si différent de celui de son école qui lui manque tant. Il nous raconte son quotidien d'horreur, d'abord avec une certaine innocence. Ses remarques nous font l'effet d'une claque et soulèvent un grand nombre de questions qui restent en suspens. Mais Fabien est observateur. Vient alors le temps où il mesure de plus en plus la violence et l'injustice. Malgré l'effroi, l'enfant aime toujours le foot et la poésie. Jusqu'au bout, il espère que les mots pourront «°soulager la peine des gens°». Mais leur poids semble bien faible face à celui de l'ignorance et de l'obscurantisme. De nouveau, Rachid Benzine livre un texte à fleur de peau et d'une grande humanité. Le regard de l'enfant lui permet de raconter l'impensable en étant dénué de tout jugement, laissant ainsi libre cours à notre réflexion. Il allie délicatesse et puissance dans une narration qui nous emporte toujours instantanément.

 

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