Littérature étrangère

Jonas Lüscher

Le Printemps des barbares

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photo libraire

Chronique de Hugo Latreille

Librairie Nouvelle (Asnières-sur-Seine)

Premier roman récompensé par le prix Franz-Hessel en 2014, Le Printemps des barbares est l’une des belles surprises de cette rentrée. Un texte grinçant et décalé d’une acuité jubilatoire sur la barbarie qui se profile.

Preising, héritier d’une fructueuse entreprise de télécommunications, aime assortir son pantalon de velours d’une veste en tweed. Candide et profondément inadapté au monde qui l’entoure, il se complait dans l’inaction la plus totale. Notre antihéros, dont nous ne serons jamais fixés sur son degré de bonne santé mentale, a toutefois une histoire à raconter : « une histoire dont on peut tirer quelques enseignements. Une histoire pleine de rebondissements incroyables, de périlleuses aventures et de tentations exotiques. » Déambulant avec lui dans le jardin d’une « maison de repos », nous voilà emportés à l’intérieur d’une espiègle satire philosophique. Comme à chaque fois qu’une décision importante est à prendre, Preising est « envoyé en vacances » par son bras droit, cette fois dans un riche hôtel du désert tunisien. À son grand désarroi, s’y trouve déjà toute une faune de jeunes traders de la City, venus festoyer dans une exubérance éhontée en l’honneur du mariage d’un des leurs. Dans l’air aride, une catastrophe semble imminente. Elle prendra la forme de l’effondrement radical du système bancaire britannique. Désormais insolvables, les jeunes financiers se retrouvent prisonniers de leur exotique décor. Il en résultera une explosion de feu et de sang, grotesque, jouissive et outrancière. Ou, quand les maîtres du monde se voient livrés à la loi de la jungle. Avec une plume raffinée et une ironie magistrale, Jonas Lüscher compose un roman décalé, mordant d’intelligence et d’acuité sur notre époque, à base de courses-poursuites dans le désert, de divagations sociologiques et de dromadaire farci. Plus loin, une interrogation sur l’inéluctable barbarie. Sera-t-elle source de folie destructrice ou de génie créatif ? Ici, nom d’un chameau, la réponse est toute trouvée !