Littérature étrangère
Guéorgui Gospodinov
Le Jardinier et la Mort

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Guéorgui Gospodinov
Le Jardinier et la Mort
Traduit du bulgare par Marie Vrinat-Nikolov
Gallimard
28/08/2025
250 pages, 21,50 €
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Chronique de
Dolly Choueiri
Librairie Des gens qui lisent (Sartrouville) - ❤ Lu et conseillé par 13 libraire(s)

✒ Dolly Choueiri
(Librairie Des gens qui lisent, Sartrouville)
Ce roman d’une grande délicatesse, à la fois intime et universel, confirme le talent de l’auteur du Pays du passé, un texte qui avait valu à Guéorgui Gospodinov de nombreux prix.
Le livre commence avec ces mots : « Mon père était jardinier, à présent c’est un jardin ». Qui est ce jardinier, le héros de cette histoire, dont le narrateur nous prévient tout de suite qu’il meurt à la fin ? C’est un homme, un père qui, comme beaucoup d’hommes de sa génération, est assez pudique, secret, taciturne. Les sentiments, on n’en parle pas, on ne les dit pas. Il y a en revanche les gestes, comme pour un jardin, une attention de chaque instant, une précision dans la main qui caresse, qui fait germer, qui fait grandir. Les souvenirs affluent dans la tête du narrateur au moment de la mort de son père et dans les mois qui suivent. Il se remémore avec beaucoup de précisions chaque instant et, en les vivant à nouveau à travers l’écriture, leur donne l’intensité des dernières fois, quand on sait que c’est la dernière fois. On se reconnaît tous et toutes dans ces détails, le parent qui dit que tout va bien, qu’il n’y a « rien d’effrayant », pour ne pas inquiéter son enfant, ces heures un peu cotonneuses où rien ne se dit mais où tout existe parce que, parfois, les mots n’ont pas besoin d’être prononcés. Ce texte met en regard, en miroir, deux hommes, le père et le fils, dans un va-et-vient entre passé et présent, avec une élégance infinie. Il est à la fois universel parce qu’il traite du deuil, de la perte, mais aussi très intime. Il m’a fait penser à ces mots du metteur en scène Wajdi Mouawad qui a beaucoup écrit sur les silences, notamment transmis par les parents : « ce n’est pas parce qu’une chose est indicible, qu’elle ne peut être dite. Il faut trouver un langage commun pour la dire, un langage qui n’appartient qu’à soi ». Ici la langue entre le père et le fils, c’est ce jardin.