Littérature étrangère

Angélica Lopes

La Malédiction des Flores

  • Angélica Lopes
    Traduit du portugais (Brésil) par Marine Duval
    Seuil
    19/04/2024
    288 p., 21.90 €
  • Chronique de Anne Canoville
    Librairie L'Astrolabe (Rennes)
  • Lu & conseillé par
    10 libraire(s)
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Chronique de Anne Canoville

Librairie L'Astrolabe (Rennes)

Sur des générations, de mère en fille, les Flores sont frappées d’une étrange malédiction : tous les hommes de la famille meurent prématurément. Mais vivre sans hommes, est-ce un sort si malheureux ?

Voilà sans doute la question que poserait Alice. À 18 ans, cette militante féministe est déjà fatiguée des représentants du genre masculin, lasse d’être celle à qui il incombe de justifier ses luttes quand, au même moment, une jeune femme est immolée vivante par son ex-conjoint. Aussi, lorsqu’une tante en visite à Rio lui fait don d’un voile de messe légué par une aïeule, elle commence par dédaigner le pan de maille ouvragée, symbolisant à ses yeux la soumission féminine, le cantonnement à des tâches minutieuses et ornementales. Mais ces points de dentelle racontent bien autre chose : l’histoire d’Eugênia, mariée contre son gré en 1918 dans la région du Nordeste, séquestrée par son époux et déterminée à se soustraire à sa condition. Alice devient ainsi la dépositaire d’un destin individuel et collectif. Eugênia nous est contée par Inês, une Flores, narratrice et destinataire des messages codés dans les pièces de dentelle que son amie, à défaut de lettres, peut encore lui faire parvenir. C’est par ce récit, pourtant éloigné d’une centaine d’années, que nous sommes happés dès les premières lignes. Inês, Eugênia et Vitorina font partie des dentellières à qui l’autrice a voulu rendre hommage, pionnières dans la lutte pour les droits des femmes au Brésil. Alternant deux époques, avec un sens de la petite histoire enchevêtrée dans la grande, le roman met les combats féministes contemporains en perspective avec ceux, aux manifestations plus feutrées mais non moins audacieuses, de leurs aînées. Ce faisant, il dresse des portraits de femmes touchants, liés les uns aux autres par la généalogie, les résonances du destin ou de simples points de crochet perpétuant le témoignage d’une bouleversante sororité.