Littérature étrangère

ISHIDA Ira

Call-Boy

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photo libraire

Chronique de Caroline Clément

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Le paysage littéraire asiatique s’étend. Si les romans et nouvelles de Corée du Sud, puis de Corée du Nord, inspirent depuis longtemps les éditeurs français, l’opportunité s’affirme, pour les lecteurs, de questionner les a priori et de s’interroger sur une réalité sociale, économique et politique.

La littérature sud-coréenne est entrée en France à pas de velours il y a près de vingt-cinq ans. Elle vient de franchir, avec les honneurs et une trentaine de ses auteurs, la porte du Salon du Livre de Paris. La progression a été lente, gageons toutefois qu’elle sera, dans les années à venir, sous le coup d’une vive accélération. On compterait déjà une centaine de titres nouveaux par an. Les éditeurs sont de plus en plus nombreux, misant sur la diversité des genres (BD, polar, jeunesse). Parmi eux, quatre acteurs majeurs : Actes Sud, le premier d’entre tous à avoir consacré une collection à la Corée, puis Philippe Picquier, spécialiste de l’Asie, mais aussi Zulma et Decrescenzo. Les uns et les autres investissent dans la traduction d’auteurs foisonnants, hommes et femmes, toutes générations confondues. Le lecteur français connaît désormais les romans du plus célèbre d’entre eux, Hwang Sok-Yong : Monsieur Han (Zulma), L’Invité (Points), Princesse Bari (Picquier Poche). Il a lu également les romans et nouvelles de Lee Seung-U, Kim Ae-Ran, Eun Hee-Kyung, et bien d’autres. Souvent parus initialement chez de petits éditeurs, leurs textes sont de plus en plus proposés en format poche, signe d’un intérêt qui s’affirme en France. Ce pas décisif place la littérature coréenne un peu plus en avant sur les tables des libraires. Livre Paris oblige, de nombreuses nouveautés ont même accédé à leurs vitrines.

Quelques titres retiendront l’attention, à commencer par La Dénonciation, de Bandi (pseudonyme signifiant « Luciole »), recueil de nouvelles nord-coréennes datant des années 1989 à 1995. Sept histoires édifiantes, écrits clandestins sur la vie quotidienne, critiquant le régime de l’intérieur. On se souviendra au passage du premier roman nord-coréen ayant traversé les frontières, Des amis de Baek Nam-Ryong, traduit chez Actes Sud. Actes Sud présentant cette année le roman désopilant de Ch’ôn Myônggwan, Une famille à l’ancienne, ainsi que des nouvelles nord-coréennes au ton un peu plus grave, regroupées sous le titre Le Rire de 17 personnes.

À signaler également, aux éditions Philippe Picquier, L’Échelle de Jacob de Gong Ji-Young, et Toutes les choses de notre vie, roman de Hwang Sok-Yong, inspiré par le quotidien d’une mère et de son fils contraints de vivre et de travailler au cœur de l’immense décharge de Séoul, une société construite autour des ordures et de la misère. Les éditions Serge Safran poursuivent quant à elles leur aventure avec Lee Seung-U en éditant La Baignoire, texte d’une concision remarquable.

Paru au Livre de Poche, La Végétarienne de Han-Kang est un roman énigmatique et troublant, plus éloigné des préoccupations politiques ; presque plus proche d’une littérature japonaise empreinte de mal-être et d’intime, de dérive et de folie. La richesse des textes en provenance du Pays du Matin calme pourrait bien, après les éditeurs, inspirer les lecteurs français et compléter leur approche d’une littérature asiatique jusqu’alors largement portée par l’Inde, la Chine et le Japon.

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