Littérature étrangère

Lídia Jorge

Misericordia

  • Lídia Jorge
    Traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues
    Métailié
    18/08/2023
    412 p., 22.50 €
  • Chronique de Nicolas Mouton
    Librairie Le Presse papier (Argenteuil)
  • Lu & conseillé par
    15 libraire(s)
illustration

Chronique de Nicolas Mouton

Librairie Le Presse papier (Argenteuil)

Superbe monologue d’une fin de vie, Misericordia est le douzième roman paru en France de la romancière portugaise Lídia Jorge. Une œuvre magistrale portée par la savoureuse traduction d’Elisabeth Monteiro Rodriguez et couronnée du prix Médicis étranger.

C’est le propre des grands textes que de s’imposer dès les premières pages, souvent les premières lignes. Avant même d’être pris aux filets de l’intrigue, le lecteur est en proie à une mer de langage, des flots de sentiments, des formes inattendues et une voix profonde qui résonne en lui. Le livre s’ouvre sur une page d’une ironie du plus bel acide, l’avertissement au visiteur (lecteur ?) de l’Hôtel Paradis : « Cette résidence est un parterre magnifique et les résidents nos pétales les plus chéris ». En fait de paradis, un Ehpad fermé sur lui-même, où la joie est de rigueur, autant dire la pire tristesse. Dans sa chambre, allongée sur son lit ou clouée dans son fauteuil, une presque centenaire lutte contre la nuit, cherche ses mots, exerce son esprit, convoque son existence laissée chez elle, un monde menaçant de s’échapper. Sur un petit magnétophone qui lui tient lieu de journal, elle livre ses réflexions, tient sa chronique, se fait conteuse avec une force de vie extraordinaire. C’est une résistante. À sa demande, sa fille écrivaine met en mots les heures d’enregistrements qui tentent de « tempérer la laideur du monde par la beauté ». Cette passation de la parole, cruelle et drôle, est la plus belle des fidélités. De faits insignifiants naît une fête de la signifiance, une « miséricorde » qui est à la fois la voie de la compassion et celle du pardon. Le roman se termine sur le nom de la mère de l’auteur, comme une signature et l’affirmation d’une survie par la littérature. Et ce n’est peut-être pas un hasard si la narratrice apparaît sous les noms d’Alberti et Amado. « Je suis de ces personnes qui ne pensent pas que l’espoir est le dernier à mourir.  Je pense que l’espoir est simplement immortel. »