Essais

Évelyne Grossman

L'Art du déséquilibre

LS

✒ Lyonel Sasso

(Librairie Dialogues, Morlaix)

Le funambule nietzschéen déambule au fil des pages de l’essai d’Évelyne Grossman. L’autrice est une habituée de ces boiteux célestes qui finissent, toujours, par marcher sur l’eau, tant leurs œuvres s’avèrent uniques. On pense à Samuel Beckett ou Vincent Van Gogh que Grossman a pu évoquer, plus tôt, dans son travail. L’essayiste traque donc la fixité et la théorie figée. En somme l’art du déséquilibre, c’est ce basculement qui fait passer de Bach à Schoenberg. On ne se contentera pas d’entendre la même mélodie, de percevoir le monde de la même manière. En sous-texte, il y a le trouble d’une pensée nouvelle comme chez Judith Butler, un savoir organique et évolutif comme chez Michel Foucault. La perte d’équilibre évite la pétrification, produit de la contestation et engendre de nouvelles formes. L’hypersensibilité chez Kafka propose une création bien à soi, unique qui passe les dogmes à la hache. Émouvante, toujours, cette première note ‒ nouvelle ‒ venant se greffer au répertoire de la connaissance humaine. Le déséquilibre évite de tomber dans « la bouche d’ombre » comme le disait Hugo.

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