Littérature française

Yves Ravey

Taormine

illustration

Chronique de Laura Picro

Librairie L'Arbre à lettres (Paris)

Par un savant tissage de malchances et mensonges, ourlé d’une écriture mordante, Yves Ravey transforme de banales vacances en Sicile dans une voiture de location en intrigue policière redoutable.

Ce n’était pas une bonne idée, cette tentative de réconciliation en Sicile. Ce n’était également pas une bonne idée de faire un détour sur le chemin de Taormine pour apercevoir la mer, ni de faire une pause au snack-bar. Mais ce qui était une très mauvaise idée, c’était de ne pas s’arrêter après avoir percuté quelque chose sur le chemin pour regagner l’autoroute et surtout de ne pas faire appel à la police d’assurance de l’agence de location de véhicules, pourtant vendue avec beaucoup d’insistance. Car c’est le cœur de ce roman, l’aptitude du héros à ne jamais prendre la bonne décision. Du choix du trajet à celui du carrossier, en passant par l’oubli du dépliant de l’hôtel dans le snack et la nuit à Gravinnella, ce sera systématiquement le mauvais. Pour ce couple en crise dont on devine dès les premières pages qu’il est l’équivalent amoureux de la croisière du Titanic, ces vacances seront un véritable naufrage. On les avait pourtant prévenus : « la Sicile est un pays magnifique mais qui réserve de mauvaises surprises aux touristes imprudents ou malchanceux ». Et de la malchance, ils en auront, à un tel point que cela devient angoissant pour le lecteur ! Plus que jamais, Yves Ravey joue sur des mécanismes de tension : désaccords et exaspération au sein du couple, accident de voiture en pleine nuit, réseau d’autochtones mafieux, paranoïa et un inspecteur terriblement consciencieux transformeront ces époux ordinaires en assassins en cavale. Du suspense donc, mais aussi beaucoup d’humour, subtilement corrosif. On retrouve une plume satirique qui croque si bien les travers humains : piques qui fusent, mauvaise foi, sarcasmes, petits mensonges, escroqueries, fausse bonne conscience. Les rapports humains sont de l’ordre du bluff où des actes minimes peuvent prendre des proportions démesurées. Yves Ravey a l’art de nous faire rire de nos défauts et c’est délicieux !