Littérature étrangère

Tsering Yangzom Lama

Quand notre terre touchait le ciel

illustration

Chronique de Élodie Bonnafoux

Librairie Arcanes (Châteauroux)

Quand notre terre touchait le ciel est le premier roman de Tsering Yangzom Lama. Elle vit au Canada où, en plus de sa carrière universitaire, elle continue de s'illustrer comme activiste de la cause tibétaine.

Les 576 pages de ce grand roman s'engloutissent comme les kilomètres d'un long et beau voyage qui nous emmène du Tibet au Canada, en passant bien sûr par le Népal, lieu incontournable de l'exil pour tous ceux qui, comme le Dalaï-Lama, ont dû fuir après l'invasion chinoise. La famille de Lhamo fait partie de la longue liste des Tibétains qui ont enterré leurs biens avec l'espoir de revenir les chercher un jour et pris la difficile et périlleuse route du déracinement. Sa mère, chamane, n'avait aucune chance face aux militaires ; rester n'était plus envisageable. Si les paysages que l'on traverse sont d'une beauté à couper le souffle, la dureté de ce voyage, qui se fait dans des conditions périlleuses à travers les plus hautes montagnes du monde et dans le dénuement le plus total, ne permettra pas à tous de revenir. Pourtant, malgré les épreuves et la pauvreté du camp de réfugiés que Lhamo finira par atteindre, les solidarités familiales et communautaires demeurent d'une grande force, cimentées par les rituels, les histoires et l'imaginaire que les Chinois n'ont pas pu leur prendre. Cimentées également par le « Ku » sans nom, cette statuette d'un dieu inconnu qui, lui aussi, a miraculeusement voyagé jusqu'au Népal et est devenu le dieu du camp, son lien avec la vie d'avant. Ce qui fait toute la force de ce roman, c'est qu'il ne se contente pas de décrire la vie et les croyances des Tibétains, il nous en imprègne littéralement. Et l'on découvre au fil des pages une culture multiséculaire, riche et foisonnante, tellement mystique et liée à ses montagnes que l'on se demande comment elle peut survivre en s'en éloignant. Ce roman est aussi, en creux, celui des liens familiaux, de leur complexité et de leur richesse, même mis à l'épreuve de l'exil.