Littérature française

Marie Charrel

Les Danseurs de l'aube

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Chronique de Katia Leduc

Librairie L'Embarcadère (Saint-Nazaire)

Marie Charrel croise le destin de deux couples de danseurs de flamenco, insoumis et épris de liberté, pris dans les assauts de l’Histoire. Un roman magistral, véritablement passionnant et envoûtant !

Lukas, jeune homme androgyne en quête d’identité et de repères, part sur les traces de ses idoles Sylvin et Maria Rubinstein, célèbres danseurs de flamenco dans l’Europe des années 1930. À Sankt-Pauli, le quartier rouge de Hambourg, dans la tourmente des manifestations anti G20, il rencontre Iva, jeune Rom et flamenca, en qui Lukas reconnaît le duende, une grâce qui transcende la danseuse et la pousse dans ses retranchements, ses limites. Lukas entraîne Iva dans son périple, au gré de leurs représentations dans les milieux interlopes européens. Les jumeaux Rubinstein sont quant à eux nés en 1914, d’une danseuse d’opéra juive et d’un aristocrate russe. Ils sont contraints à l’exil lors de la Révolution russe et trouvent refuge en Pologne où ils se produisent sous le nom d’Imperio et Dolores. La Seconde Guerre mondiale éclate. Très vite, Maria disparaît, laissant Sylvin désemparé. À sa recherche et mu par une haine viscérale des nazis, il s’engage dans la Résistance et organise sabotages et assassinats, le plus souvent déguisé en femme, en hommage à sa sœur, sa part vitale. Marie Charrel alterne brillamment les deux récits qui se répondent en écho à un siècle d’intervalle et donnent un souffle exceptionnel à ce roman envoûtant et fascinant. Chaque duo de danseurs doit lutter contre les forces obscures qui veulent les annihiler et réduire à néant la pratique d’un art jugé subversif. Ce combat pour Sylvin Rubinstein sera tout aussi salvateur que destructeur, tandis que Lukas et Iva laissent dans leur sillage et à leur corps défendant un signal d’espoir et de renouveau. Dans ce roman véritablement charnel où les corps se frôlent, virevoltent, vacillent jusqu'à la rupture, les genres masculin et féminin ne signifient plus rien, se transgressent afin de repousser la liberté de mouvement et l’acceptation de soi à son acmé.