Littérature étrangère

Almudena Grandes

Le Lecteur de Jules Verne

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photo libraire

Chronique de Jean-Luc Aubarbier

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Déjà auteure d’une fresque magistrale sur l’Espagne d’hier et d’aujourd’hui avec Le cœur glacé (Le Livre de Poche), Almudena Grandes propose le récit dramatique de ceux qui poursuivirent la lutte contre Franco après le cessez-le-feu, quand la barbarie prit le visage de l’oubli.

C’est à travers le regard d’un enfant de 9 ans, Nino, que la vérité apparaît progressivement au grand jour. Fils d’un garde civil, il habite une caserne au milieu des oliviers dans la région de Jaen. Au cours du printemps 1947, il se lie d’amitié avec Pepe le Portugais, mystérieux et fascinant étranger qui vit dans un vieux moulin isolé. Nino n’a que deux passions : la lecture des romans d’aventure, et en particulier ceux de Jules Verne à travers lesquels il imagine la vie et le vaste monde qui l’entoure, et ses discussions avec Pepe qui devient pour lui le modèle du sage et de l’aventurier. Nino se fait la promesse de ne jamais embrasser la profession de garde civil, comme son père. À ce monde viril, il préfère un univers strictement féminin et suit des cours de dactylographie à la métairie des Rubias où réside un groupe de veuves et d’orphelines. Peu à peu, il comprend qu’une guerre dont personne ne parle a lieu dans les montagnes, tout près de chez lui, une guerre où son père joue un rôle. Il commence aussi à poser un autre regard sur les guérilleros communistes commandés par un certain Cencerro, présentés ordinairement comme des voyous. Inspiré d’une histoire vraie – celle de Cencerro qui, cerné par la Guardia Civil, préféra se suicider que de se rendre et dont le corps fut traîné sur la place du village d’Alcala-del-Rey –, le roman d’Almudena Grandes brosse un tableau épique de la résistance andalouse à Franco, une fresque à ceux qui sont tombés en 1947 dans l’anonymat d’une féroce répression. Le Lecteur de Jules Verne est aussi un roman d’apprentissage. Nino prend conscience que la lecture est une manière de regarder en face l’horreur et de témoigner de la vérité.