Littérature étrangère

Peter Handke

La Grande Chute

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photo libraire

Chronique de Philippe Poulain

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Pour avoir des nouvelles de l’auteur autrichien depuis longtemps installé en banlieue parisienne, plusieurs chemins s’offrent à l’amateur.

Alors que paraissent chez Gallimard un récit et un nouvel essai, Verdier publie un roman de son compatriote Franz Michael Felder, pour lequel Handke livre une préface en forme d’éloge. La Grande Chute raconte l’histoire d’un comédien, ou plutôt d’une de ses journées (la dernière ?), de son réveil à l’entrée dans la nuit profonde. Quittant le lit qu’il a partagé avec une femme, il traverse la forêt et ses clairières, puis les autoroutes, et approche de la ville. Dans les bois ou le long des rues, il rencontre d’énigmatiques personnages, avançant toujours, se déliant de ce qui le retient au monde, à son travail. Handke ouvre des paysages et éclaire des visages, comme des tableaux de Hopper, tout en décrivant d’un ton parfois mordant la modernité. Avec le récit intitulé Scènes de ma vie, de l’écrivain autrichien Franz Michael Felder (1839-1869), Handke dit avoir compris « la structure d’une enfance campagnarde » dans ce qu’elle a toujours de valable aujourd’hui. L’auteur est l’un de ces paysans de la classe moyenne, toujours endettés, d’une des régions les plus déshéritées d’Autriche. Il montre comment sa passion pour les livres et son besoin de prendre de la hauteur l’empêchent de trouver sa place parmi les siens. Car il refuse d’émigrer, comme d’autres, vers les villes. Narrant en détail la vie des vachers dans les alpages, Felder décrit les façons de penser et d’agir auxquelles il se heurte. Sans renier sa différence, il réussit à créer des liens en partageant ses connaissances. Puis il trouve l’âme sœur, une femme qui, comme lui, lit et écrit des poèmes. Dans la brève existence qui lui reste à vivre – dix ans à peine –, Felder sera un réformateur social, créant la première coopérative agricole.