Littérature française

Sophie van der Linden

De terre et de mer

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photo libraire

Chronique de Véronique Marchand

Librairie Le Failler (Rennes)

« C’était, et je voudrais ne pas m’en souvenir, c’était au déclin de la beauté. » Ce vers tristement prophétique de Guillaume Apollinaire ne pouvait mieux convenir pour clore le plus abouti des romans de Sophie Van der Linden.

Youna ne répondant plus à ses tendres lettres que par de brèves missives distantes et laconiques, Henri, qui vient de terminer son service militaire, quitte Paris afin de se rendre sur la petite île de B., où la jeune femme s'est retirée. Comme le redoutait Henri, les retrouvailles sont embarrassées, grandement compliquées par Youna qui, farouchement attachée à sa liberté, craint de la perdre en acceptant l'amour d'Henri. Le cœur lourd, celui-ci choisit de respecter la décision de la jeune femme et de reprendre le bateau le lendemain matin. Le jeune homme ne passera que vingt-quatre heures sur l'île, un temps assez long pour se révéler d'un extraordinaire enrichissement. Durant cette nuit de chagrin, de colère et d'abandon il fera de singulières rencontres – un musicien solitaire, un marin déserteur, un pêcheur généreux. La découverte de paysages envoûtants, de lumières et de couleurs inconnues, d'odeurs prégnantes et de saveurs nouvelles exacerberont ses sens artistiques et le transporteront. Autant de révélations sur l'évolution de sa peinture au sujet de laquelle il s'interroge tant, et de la gravure à laquelle il est en train de s'initier. Il comprend alors que le motif de la gravure n'existe que « par le vide que je dois désormais traiter comme une figure ». Il en va ainsi de cette histoire qui n'existe que par ce qui n'est pas écrit, mais esquissée avec une grande maîtrise par Sophie Van der Linden. Les lieux et l'époque se dévoilent progressivement par l'art consommé de l'auteur pour les détails. Comme autant de touches de couleurs, ils composent ce roman impressionniste qui invite tous les arts dans un immense élan d'espoirs humanistes. Suffiront-ils à éloigner la barbarie d'Henri et de ses contemporains ? Un magnifique texte bref et intense, sublime et tragique.

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