Littérature étrangère

Ron Rash

Une terre d’ombre

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photo libraire

Chronique de Véronique Marchand

Librairie Le Failler (Rennes)

Natif de Caroline du Sud où se passent tous ses romans, Ron Rash excelle dans l’art de mettre au jour la noirceur de l’âme humaine dans des récits haletants où la nature tient une place prépondérante.

Laurel Shelton pouvait légitimement se dire que les fées n’avaient pas été conviées à sa naissance. Du temps où ses parents vivaient, l’existence était déjà difficile. Le profond vallon humide et sombre où ils s’étaient installés était voué aux légendes maléfiques et la tache de naissance qui l’affublait attisait l’hostilité à son endroit. Traitée en sorcière, la jeune fille vivait dans une grande solitude, tout juste allégée par la présence de son frère Hank. Mais Hank était devenu manchot et le travail à la ferme était encore plus dur malgré l’aide du vieux Slidell. Du moins était-il revenu vivant, ce qui n’est pas le cas de tous les garçons du comté appelés en Europe pour une guerre que nul ici ne comprenait. Qu’importait que cette année 1918 annonce enfin l’issue du conflit ! L’arrivée des hommes invalides et des cercueils faisait enfler la haine du « boche », terriblement attisée par un manipulateur lâche et violent. De cela, Laurel n’avait pas vraiment conscience puisqu’elle avait enfin trouvé l’amour. Comme dans les contes, alors qu’elle était à la rivière, elle avait entendu le doux chant d’une flûte. Qui était ce beau musicien inconnu et que faisait-il là, si mal en point ? Laurel et Hank l’avaient secrètement recueilli et avaient appris à communiquer avec lui, puisqu’il était muet. Tout doucement, la vie dans le vallon avait changé de couleur. Si tous les romans de Ron Rash s’inscrivent dans l’Histoire des États-Unis, Une terre d’ombre possède la touche, jusque-là inédite dans ces précédents livres, de l’amour. Mais ne comptez pas sur l’auteur pour écrire de jolies histoires qui finissent bien. Dès les premières lignes, la tension est palpable, le malaise s’installe subtilement et le rythme ne faiblit pas jusqu’à l’apothéose finale. Un roman bouleversant et tragique. Absolument magnifique.

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