Polar

Clémentine Thiébault , Mikaël Demets

Polar

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photo libraire

Chronique de Renaud Junillon

Librairie Lucioles (Vienne)

Ce genre littéraire protéiforme qu’est « le polar » a déjà fait l’objet de dictionnaires, d’encyclopédies, empruntant la forme de magazines ou de revues spécialisés. Grâce à ce « panorama », le polar est désormais consacré par un beau livre captivant, mêlant articles de fond, interviews d’auteurs et iconographie de qualité.

L’amateur de littératures noires et policières se fera un plaisir d’accueillir en sa bibliothèque ce nouvel ouvrage réalisé par Clémentine Thiebault et Mikaël Demets. Un ouvrage à ranger aux côtés des deux volumes du Dictionnaire des littératures policières (Joseph K., 2003 puis 2007), tout prêt de Jean-Bernard Pouy et de sa truculente Brève histoire du roman noir (L’Œil neuf, 2009), juste sous l’étagère des revues Temps noirs et Polar. Ce beau livre, qui se donne comme une vue d’ensemble du genre « polar », est un ouvrage indispensable, aux références et au parti pris assumés, qui permet au lecteur éclairé d’approfondir certains thèmes et au non-initié de faire une plongée fascinante et documentée dans « les » mondes du polar. Car, outre l’iconographie riche et hétéroclite, la grande réussite de ce panorama de la littérature noire est de rendre compte de la richesse du genre et des différents sous-genres que ce terme générique de « polar » englobe de manière habituelle. Le roman policier n’est pas du roman à énigme, lui-même différent du thriller, qui se distingue à son tour du roman noir, sans parler du roman d’espionnage, judiciaire ou historique. Même si le polar trimballe (et joue) avec ses propres clichés – de l’enquêteur qui fait fonctionner « ses petites cellules grises » au détective alcoolique, en passant par le psychopathe serial killer –, il reste néanmoins une littérature des plus pertinentes pour comprendre et rendre compte du monde tel qu’il va ou ne va pas. La préface tonitruante de l’ouvrage expose la profession de foi de Caryl Férey, auteur-baroudeur de Zulu ou Mapuche : « Il se trouve que nous n’imaginons pas le monde sans contexte politique et social, voire ethnique, que nous refusons la position de l’autruche, fort dégradant au demeurant, préférant nous coltiner le réel, même amoché. Les Grecs ont inventé le théâtre pour ça, Shakespeare l’a mouliné dans les sens, gâteau humain souvent indigeste que Dostoïevski a commencé à régurgiter. D’autres en font depuis un festin nu. » Ces « autres », le lecteur les découvrira tout au long de ce panorama international et contemporain, au gré des chapitres thématiques complétés par de nombreuses interviews et portraits d’auteurs. Après une première partie consacrée aux origines et à la naissance du genre (excellente idée de reproduire les fameuses et incroyables « Vingt règles pour le crime d’auteur », un article de l’écrivain S. S. Van Dine publié en 1928, qui prétendait ériger les codes pour écrire un « véritable » roman à énigme !), les thèmes abordés sont ceux de la justice, de l’univers carcéral, de la guerre et des traumatismes qu’elle véhicule, de l’importance de la ville qui constitue un personnage à part entière dans la littérature noire, de la place de la femme dans le polar en tant que personnage et auteur, sans oublier les figures de l’espion, du mafieux ou du plouc. Profitez du paysage : une balade au pays du polar en compagnie de Dashiell Hammett, Raymond Chandler, Jim Thompson, Paco Ignacio Taïbo II, David Vann et le reste de la bande, cela ne se refuse pas.