Littérature étrangère

Michelle Good

Cinq petits Indiens

  • Michelle Good
    Traduit de l'anglais par Isabelle Maillet
    Seuil
    10/03/2023
    352 p., 22 €
  • Chronique de Aurélie Baudrier
    Librairie L'Insomnie (Décines-Charpieu)
  • Lu & conseillé par
    18 libraire(s)
illustration

Chronique de Aurélie Baudrier

Librairie L'Insomnie (Décines-Charpieu)

Donner la parole aux peuples premiers, voilà la vocation de la nouvelle collection « Voix autochtones » des éditions du Seuil. Cinq Petits Indiens de la Canadienne Michelle Good et Celle qui parle aux corbeaux de l’Australienne Melissa Lucashenko inaugurent cette ambitieuse initiative.

Tel un dialogue, ces romans éclairent des problématiques communes aux populations autochtones : expulsion de leurs terres ancestrales, privation de la possibilité d’exprimer leur culture, violence et atteinte de leurs droits… Ils témoignent de leur histoire difficile faite d’oppression et de luttes. Ils laissent entendre des voix de peuples longtemps niés et marginalisés.

Le premier titre, Cinq Petits Indiens, dévoile une page noire de l’Histoire canadienne, celle d’un génocide culturel. À savoir l’enlèvement systématique des enfants autochtones et leur placement dans des institutions religieuses. Le but proclamé était de « tuer l’Indien dans l’enfant ». Environ 150 000 d’entre eux vont connaître ce terrible sort, au moins 4 000 d’entre eux n’y survivront pas. Le roman raconte le parcours poignant de cinq enfants : Maisie, Lucy, Clara, Kennie et Howie. Tous ont été arrachés tout petits à leur famille et placés dans des pensionnats religieux. Certains seront libérés à leur majorité et jetés dans la grande ville sans argent, d’autres auront la chance de s’enfuir. Mais tous resteront blessés à jamais par les brimades et les sévices subis. Tous tenteront comme ils peuvent de trouver la paix. Pour écrire cette histoire bouleversante aux personnages inoubliables, Michelle Good, autrice Crie, membre de la Nation Red Pheasant, s’est inspirée de son travail en tant qu’avocate et de l’histoire de sa mère.

Dans le deuxième titre de la collection, Celle qui parle aux corbeaux, Melissa Lucashenko, écrivaine aborigène membre de la Nation bundjalung, raconte d’une plume pleine de vivacité l’histoire des Salter. Cette famille dysfonctionnelle se retrouve réunie alors que Pop, le patriarche craint et admiré, vit ses derniers jours. Kerry, la cadette, débarque à contre cœur, après une longue absence, sur sa Harley rugissante. Malgré les tensions qui ressurgissent, tous vont pourtant devoir faire bloc face à un projet de construction d’une prison sur les terres où reposent leurs ancêtres. Melissa Lucashenko signe une comédie noire pleine de rebondissements sans esquiver les sujets qui fâchent. Elle nourrit son roman de la culture et des mythes de son peuple et mâtine son texte d’expressions aborigènes. Le destin déchirant de cette famille habitée par la douleur et la rage répond ainsi à celle des Cinq Petits Indiens en montrant comment les traumatismes passés issus de la violence coloniale continuent de tourmenter les vivants. Avec cette collection engagée servie par les illustrations magnifiques de Michael Cailloux, les éditions du Seuil mettent en lumière des voix littéraires nouvelles. Une belle réussite !