Polar

Colin Niel

Seules les bêtes

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photo libraire

Chronique de Allan Viger

Librairie des Cordeliers (Romans-sur-Isère)

Il y avait la trilogie guyanaise, le peuple noir-marron et le très remarqué Obia (Le Rouergue / prix des Lecteurs Quais du polar 2016). Un genre de noir dense et humain. Il y a, cet hiver, Seules les bêtes, le paysage des Causses et Colin Niel au sommet.

Roman noir de saison, Seules les bêtes nous plonge au cœur de la tourmente. Une femme a disparu. Nous sommes un 19 janvier et l’hiver s’est installé pour de bon dans les Causses, entravant les recherches et cristallisant toutes les inquiétudes : « La tourmente. Oui, certains disaient qu’Évelyne Ducat avait été emportée par la tourmente, comme autrefois. La tourmente, c’est ce vent d’hiver qui se déchaîne parfois sur les sommets ». Vent tenace, charriant avec lui les non-dits et une légende colportée par les anciens. Cinq voix s’élèvent tour à tour. Celles d’Alice, Joseph, Maribé, Armand et Michel, se faisant petit à petit échos sans le savoir. Cinq solitudes, cinq histoires, toutes liées entre elles par de lourds secrets et la disparition d’Évelyne Ducat. Est-elle morte ? Vivante ? Dans ce coin de nature sauvage âpre et isolé, où seules les bêtes tiennent lieu de compagnie à des paysans qui ont vu les fermes alentours devenir des résidences secondaires pour Parisiens en mal d’air pur, une chose est certaine, il y a bien des manières de dissimuler une femme dans le décor. Le mystère est épais comme le cœur des hommes. Les touristes ont déserté l’immense île plate du Causse. Le temps a ralenti. Le ciel s’est affaissé. L’air est devenu rare. Le quotidien rébarbatif. Vous étiez en train de lire Seules les bêtes, l’étau se resserrait et la mécanique d’un roman choral saisissant se jouait de votre souffle jusqu’à l’étreinte final. Et d’étreinte, il faudra parler. Car enfin, Seules les bêtes n’est pas uniquement un polar rural et un page-turner haletant, c’est aussi un roman sur les amours contrariées, inavouables, les solitudes qui se rencontrent et s’étreignent pour oublier que, jusque-là, elles avaient été privées d’un besoin si cher à leur cœur.