Polar

Mo Malø

L'Inuite

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photo libraire

Chronique de Chloé Pénillault

Librairie Rendez-vous n'importe où (Pontivy)

Une nouvelle fois, Mo Malø nous transporte au nord du Nord, dans cet univers si particulier qu'est le Groenland. Au programme : un roman noir plongé dans le blanc et un retour sur la violence d’une Histoire coloniale quasi universelle.

Mais c’est avant tout une histoire de meurtres ! Au Groenland, Bjorn Westen est chargé d'élucider le meurtre de la jeune Nina Eliassen qui vient de mettre au monde un bébé. Dans le même temps, au Danemark, Tim Osterman est sommé de solder rapidement une vieille histoire, un meurtre datant d'une dizaine d'années et jamais élucidé. Dans les deux cas, on aperçoit au loin une silhouette furtive qui pourrait sans doute les éclairer. Les deux policiers, pour des raisons différentes, subissent une forte pression et risquent gros dans leurs enquêtes respectives ‒ deux enquêtes, menées en parallèle, dont on pressent bien avant les protagonistes qu'elles vont finir par se rejoindre. On voudrait, de notre place de lecteur, leur crier de se parler mais ils ne se connaissent pas encore. Peu à peu, ils vont converger vers une mystérieuse et furtive jeune sage-femme inuite, Paninguaq Madsen, qui pourrait bien détenir les clés pour déverrouiller ces enquêtes. Au-delà de cette intrigue menée de main de maître et de cette plongée dans les paysages et la culture groenlandaise, Mo Malø nous invite à explorer un pan méconnu de l'Histoire coloniale du Groenland : au milieu du XXe siècle, des enfants groenlandais ont été retirés à leurs familles, transportés au Danemark pour officiellement y passer un an, y apprendre la langue, les façons de vivre et de penser danoises. À l'issue de cette « expérience », peu ont pu retrouver leurs familles et tous ont dû apprendre à vivre dans cette acculturation forcée, dans cet espace hybride entre les deux pays, les deux cultures, en quête perpétuelle d'une identité perdue et jamais retrouvée. On ne peut s'empêcher de trouver une portée universelle à cette histoire qui n'est pas sans rappeler le scandale des « enfants de la Creuse » arrachés à leurs familles réunionnaises dans les années 1960.