Littérature française

Thomas B. Reverdy

L’Hiver du mécontentement

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photo libraire

Chronique de Emmanuelle Delattre

Librairie Le Matoulu (Melle)

Trente-quatre chapitres, titrés chacun d’une chanson de la mouvance contestataire punk rock, forment la bande originale tonitruante de l’hiver 1978-1979, où des grèves sans précédents paralysèrent l’Angleterre.

PRIX INTERALLIÉ 2018

Des Clash aux Sex Pistols en passant par Bowie, cette bande son se fait l’écho des vingt ans de Candice, durant la période de troubles qui portera la Dame de fer au pouvoir en mai 1979. Elle joint péniblement les deux bouts en livrant à vélo, dans la brume et le froid glaçant des rues de Londres. Tournant le dos à un père violent, une mère résignée à la tyrannie de son ménage et une sœur sans ambition, Candice place au-dessus de tout l’indépendance et cherche son propre chemin vers l’émancipation. Le regard qu’elle porte sur son entourage est sans détour, sa jeunesse ne s’encombre pas d’illusions. Elle est attachante, Candice, féministe sans théories, elle se bat pour être libre. Elle refuse le carcan familial, l’aliénation de l’amour, la dépendance financière. Elle tient à distance la solitude qui peut être le prix à payer pour une toute jeune femme qui refuse les concessions. De la crise sociale que traverse son pays, elle ne saisit pas tous les enjeux. Sans engagement politique, elle n’est pas militante mais se bat pour être fidèle à ce qu’elle souhaite pour elle-même. Elle tient dans une troupe féminine de théâtre le rôle de Richard III dans la pièce éponyme de Shakespeare. L’incarnation de son personnage va porter ses réflexions sur la notion philosophique du pouvoir, l’aider à appréhender les bouleversements sociaux, à interroger la condition féminine. Un des tours de force du roman est d’ailleurs de confronter les deux femmes, Candice et Thatcher, tandis que cette dernière prend des cours de diction. Dans Il était une ville (Flammarion et J’ai lu), Thomas B. Reverdy choisissait pour décor une ville en faillite : Détroit. Il est évident, avec L’Hiver du mécontentement, que l’auteur sait sans complaisance faire évoluer ses personnages dans ces univers chaotiques et désolés. Une réussite !