Bande dessinée

Grégory Panaccione

La Petite Lumière

illustration
photo libraire

Chronique de Julien Marsa

Librairie L'Infinie Comédie (Bourg-la-Reine)

Avec cette adaptation du roman de l’auteur italien Antonio Moresco, Grégory Panaccione met en scène la rencontre entre un vieil homme et un enfant. Recluses au fin fond de la campagne, ces deux solitudes emplies de mystères constituent la matière même d’un récit étrange et bouleversant.

Chaque soir, ce vieil homme qui est « venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert », s’assoit dans son jardin et contemple la montagne. Il n’a que peu de contacts avec les gens, si ce n’est lorsqu’il se rend au village voisin pour faire quelques courses. Son quotidien paisible est fait de marches dans la nature, de corvées d’entretien de sa maison et de questionnements métaphysiques sur sa présence au monde. Son existence semble débarrassée de tout intérêt pour la vie en société. Pourtant, chaque soir, quelque chose attise sa curiosité jusqu’à l’obsession : quelle est cette petite lumière qui brille dans la nuit de la montagne lui faisant face ? C’est celle d’un enfant qui, comme lui, vit seul, dans une petite maison perdue au milieu des bois et, le soir, laisse une lampe allumée car il a peur du noir. La stupéfaction provoquée par la découverte de l’existence de cet enfant laisse vite place, chez le vieil homme, à la curiosité. Comment cet être fragile peut-il survivre sans parents ? Et quelle est cette étrange et angoissante « école du soir » où il se rend quotidiennement ? Le vieil homme aimerait pouvoir l’aider, le débarrasser de tous ses fardeaux. Mais comment le peut-il ? Avec ce court roman construit sur le fil de cette rencontre (le lent apprivoisement entre deux êtres et le mystère qui préside à leurs existences dans cet « entremonde » où ils se sont retirés), Panaccione tente une mise en dessin périlleuse. Périlleuse car risquant de figer par le trait un récit qui laissait toute place au lecteur d’y tracer ses propres sillons et interprétations. Par bonheur, il n’en est rien. Le dessin, plein de finesse et de nuances, joue des contrastes entre ombre et lumière, restant toujours à la lisière du fantastique, que ce soit dans sa peinture de la nature ou des lieux de vie des personnages. Le doute est toujours permis et poussé à son paroxysme dans deux scènes magnifiques où l’école du soir est littéralement représentée par des ombres dans l’obscurité, reproduisant au fur et à mesure des planches la façon dont le regard finit par s’habituer au noir, sans jamais véritablement réussir à percer l’opacité de la nuit. Ce sont pourtant bien les visages du vieil homme et de l’enfant, et le regard qu’ils portent l’un sur l’autre, peints avec une expressivité bouleversante, qui seront jusqu’au bout les phares à suivre dans les ténèbres du récit. Empreint de métaphysique, le voyage proposé par La Petite Lumière n’en demeure pas moins riche en émotions.