Jeunesse

Christelle Dabos

L'entretien par Chloé Morabito

Librairie Sauramps Odyssée (Montpellier)

Il existe des romans singuliers impossibles à décrire, qui vous marquent en profondeur, vous interpellent, saisissent vos tripes et ne vous laissent pas indifférent. Ici et seulement Ici est l’un d’entre eux : fort, puissant, insaisissable, un texte aussi déroutant que passionnant.

Après le succès international de La Passe-miroir, vous choisissez de renouveler votre plume et de quitter momentanément le genre de la fantasy. Pouvez-vous nous expliquer ce choix et nous dire comment est né ce nouveau roman ?

Christelle Dabos - J’avais besoin d’explorer de nouvelles facettes de mon écriture. Après La Passe-miroir, il s’est passé deux choses : le confinement – propice aux expériences de laboratoire – et un déménagement. Ma nouvelle voisine est une école qui m’a fait une puissante remontée de souvenirs. Ici et seulement Ici s’est écrit au milieu des cartons.

 

Ici et seulement Ici traite du collège, ce lieu de transition dans lequel nous quittons brutalement notre enfance, subissons une métamorphose et tentons désespérément de trouver notre place. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

C. D. - J’ai quitté le collège mais le collège, lui, ne m’a jamais quittée. Il a déjà fallu que je prenne du recul sur ce que j’y avais vu et vécu. J’ai pu alors explorer de l’intérieur, à travers différents points de vue, la mécanique qui s’installe dans cette cour de récréation pas si récréative, avec des oppresseurs et des oppressés, les croyances dans lesquelles on s’enferme, les amitiés qui se font et se défont, le rapport au groupe. Et je souhaitais le faire sans porter de jugement.

 

Votre texte est extrêmement mystérieux sur certains points. Aviez-vous prévu, dès le départ, d'y introduire des éléments fantastiques ?

C. D. - Absolument. « Ici » est un endroit où l’inconscient individuel et collectif occupe une place fondamentale. C’est le lieu de tous les possibles, une caverne de Platon où les élèves peuvent créer et briser leurs propres malédictions. Je mesure que j’ai été pas mal influencée par le réalisme magique sud-américain qui m’avait passionnée, étudiante.

 

 « Ici », dont vous venez de faire allusion, est récurrent au sein de votre roman. Il est également une composante majeure de votre titre. Pourquoi lui donner une telle importance ?

C. D. - Quand on est jeune, on a un rapport au temps et à l’espace d’une extrême intensité. Adolescente, le collège était pour moi un huis clos infini dont j’avais l’impression que je ne sortirai jamais. Des années après, j’étais encore habitée par lui. Il m’a fallu un roman pour qu’il me sorte enfin du corps !

 

À propos du livre

Pierre, Guy, Madeleine et Iris côtoient le même collège. Ils ne se connaissent pas mais sont tous ici, ancrés dans un endroit énigmatique qui possède ses propres lois et ses propres codes. Ce lieu, imprégné d’une magie surnaturelle, est soumis à des règles cruelles et absurdes qui dictent le quotidien des élèves, brutalement éjectés de l’enfance. Tous les quatre mènent le même combat au quotidien : s’intégrer, trouver sa place, jouer son rôle, se soumettre aux règles pour mieux répondre aux exigences du système, impitoyable avec ceux qui détonnent. Ils sont les acteurs d’un nouveau cycle et vivent les étapes nécessaires à leur métamorphose.