Polar

Santiago Gamboa

Colombian Psycho

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Chronique de Laura Picro

Librairie L'Arbre à lettres (Paris)

Des meurtres particulièrement macabres dans Bogotá noyée sous un déluge d’eau et rongée par la violence, la corruption et le vice : un avant-goût de fin du monde dans le nouveau polar de Santiago Gamboa.

Il faudra bien des verres d’aguardiente et beaucoup d’ironie pour dénouer la sombre intrigue de ce roman : dans un quartier huppé sont retrouvés les quatre membres d’un même corps, découpés avec une précision chirurgicale. Seulement voilà, leur propriétaire est toujours vivant : il occupe une cellule de la prison de La Picota et s’avère être un pur psychopathe. Caramba, ça sent les emmerdes ! Car si « la pluie est démocratique et mouille tout le monde », elle n’unit pas les humains pour autant. Pour le procureur Jutsiñamuy, la violence est culturelle : ce ne sont pas des « manifestations individuelles du mal mais les conséquences d’une société perverse qui rend les gens meurtris, frustrés, envieux, solitaires ou avides de pouvoir et d’argent ». Un écosystème pollué dans lequel luttent flics désabusés, procureurs et journalistes chroniqueuses de drames humains. Des êtres à l’âme fatiguée qui surnagent dans cet océan de brutalités en tout genre, tout spécialement dans les prisons où grouillent les pires comportements humains. Des personnages rencontrés dans un roman précédent auxquels se mêle l’auteur lui-même. Un procédé qui lui permet d’observer sa propre vie avec un certain voyeurisme. Gamboa joue en effet constamment entre fiction et réalité, créant une mise en abyme particulièrement démoniaque lorsque le mode opératoire du meurtrier reprend celui de son roman. Une réalité qui peut avoir différents niveaux de lecture auxquels seuls certains ont accès : ici une médium et une schizophrène qui s’avéreront indispensables pour progresser dans cette enquête tortueuse. C’est donc beaucoup de lui que Gamboa met dans ses romans, y compris une affection toute particulière pour sa ville dans laquelle il est revenu et qu’il continue de décrire amoureusement, même si nombreux sont ceux qui y ont le diable aux tripes.