Sciences humaines

Laure de Chantal

Yourcenar avant les autres

✒ Christophe Duparloir

(Librairie Du côté de Bellême, Bellême)

Marguerite Yourcenar laissera une empreinte indélébile dans l'existence de Laure de Chantal. La femme d'hier est-elle devenue essentielle à la femme d’aujourd’hui ? Laure s’adresse à Marguerite pour répondre cette question.

Parce qu’elle ne veut pas aller au lit, les parents de la jeune Chantal lui imposent une punition qui devrait rapidement lui permettre de tomber dans les bras de Morphée : l’obliger à regarder Apostrophes ! Mais un échange entre Marguerite Yourcenar et Bernard Pivot interpelle la jeune auditrice : « Sur une île déserte, j'emporterai le feu », déclare Marguerite Yourcenar. Pour Laure de Chantal, un feu jaillit de cet échange. La rencontre est là. Une collision peut-être. Elle le sait intrinsèquement : ce feu la nourrira toute une vie. Et cette flamme suffisamment nourrie invite aujourd'hui la grande Laure à s'adresser à Marguerite en toute intimité. Elle a tant à lui raconter, peut-être pour mieux se raconter. Femme libre, écrivaine de génie, Marguerite Yourcenar n’était ni militante, ni féministe, contrairement à une idée reçue. Et si elle fut bien la première femme, non sans fierté, à pénétrer le bastion masculin de l’Académie, « c’est parce qu’il en fallait bien une », expliquait-elle. Défenseuse d’une « fraternité universelle », c’est en tant qu’écrivain, au nom de la littérature et pas en qualité de femme, qu’elle concevait sa place sous la coupole parmi les « Immortels ». Marguerite Yourcenar n'aura effectivement de cesse à travers son œuvre de témoigner qu’une femme n'a d'autres limites qu'humaines et peut devenir tout ce qu'elle veut. Son œuvre visionnaire s’est imposée à Laure de Chantal pour mieux la révéler et l’accompagner toute une vie. En s'adressant aujourd'hui à Marguerite Yourcenar, Laure de Chantal témoigne avec élégance de la grande modernité de son œuvre. Telle une correspondance entre deux amies de longue date, Laure de Chantal rend indubitablement le plus bel hommage qu’il soit d’une lectrice attentive à une autrice de génie, d’une femme libre à une autre.

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