Littérature étrangère

Victoria Hislop

Une dernière danse

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photo libraire

Chronique de Christine Jankowski

Librairie Tome 19 (Revel)

Avec cette saga riche et émouvante, Victoria Hislop fait la démonstration de son habileté à mêler la petite histoire à la grande : la guerre civile espagnole traversée par la famille Ramirez, le franquisme et les stigmates de l’exil. Excellent !

Dans la première partie, Victoria Hislop met en place les protagonistes contemporains de son roman. Sonia, une jeune femme londonienne orpheline de mère, reste très attachée à son père seul et vieillissant. Lors de ses rares visites à ce dernier, ils parlent du passé, de la mère disparue trop vite et trop jeune, de sa passion pour la danse dont a hérité Sonia. Le couple de Sonia traverse une crise douloureuse et elle se laisse convaincre par sa meilleure amie de s’éloigner quelques jours en participant à un stage de flamenco dans la cité de García Lorca, Grenade. Alors que son amie pense plaisir et fiesta, Sonia s’imprègne des ambiances des ruelles et des places. Sur la place Bib Rambla, elle fait la connaissance de Miguel, un homme très âgé qui tient le café El Barril. Dans la deuxième partie du roman, la plus intéressante, Miguel narre à Sonia l’histoire de la famille Ramirez, les parents, trois garçons et une fille, propriétaires de ce café pendant un demi-siècle, qui ont vécu le drame de la guerre civile espagnole. À l’image de cette Espagne déchirée entre républicains et nationalistes, les quatre enfants Ramirez vont chacun choisir leur camp. Le fils aîné, instituteur, est républicain, le second devenu matador est nationaliste, le troisième est un solitaire qui doit taire son homosexualité et la petite dernière, passionnée de flamenco, tombe folle amoureuse d’un gitan guitariste. Chacun des enfants et les parents vivent la guerre de façon différente, prenant part, subissant ou s’exilant, à l’image de la nation elle-même. Victoria Hislop a désormais pour habitude de dérouler la grande Histoire au sein d’un récit familial, s’appuyant sur une documentation qui rend crédible sa fiction. C’est un beau roman, qui ferait aussi un très bon film. En attendant, il donne envie de relire García Lorca et de déguster un café con leche près de l’Alhambra.