Littérature française

Cécile Coulon

Trois saisons d'orage

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photo libraire

Chronique de Léa Brissy

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Jeune auteure française, Cécile Coulon construit une œuvre tout en subtilité. Trois saisons d’orage, son neuvième roman, est une nouvelle démonstration de sa faculté à composer des personnages d’une profondeur remarquable, et des histoires puissantes et belles.

Les Fontaines, village perdu de la France profonde niché au fin fond des Trois-Gueules, véritable forteresse de falaises, est le premier personnage de ce roman. L’intrigue se déroule à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, c’est une ville intemporelle que dépeint Cécile Coulon. Elle nous emmène dans cette grosse bourgade rurale comme il en existe tant, nous apprend son histoire et ses secrets. C’est un lieu fascinant dans lequel les événements semblent se rejouer éternellement. Surtout, elle révèle les traces laissées par certains de ses habitants. André, médecin de campagne s’installe dans une magnifique maison. Un jour, son fils Bénedict le rejoint, puis lui succède. Il a un enfant à son tour. On y croise d’autres personnages aux histoires bouleversantes, comme Clément, un jeune prêtre solitaire, ainsi que la mère de Bénedict, qui exècre la vie à la campagne. L’auteure raconte leurs quotidiens en l’opposant à la vie citadine autant qu’à la vie rude des travailleurs de la mine. C’est aussi la chronique d’une terre sévère qui donne autant qu’elle reprend, sans se soucier de la position sociale de chacun. D’une écriture fluide et subtilement brute, Cécile Coulon nous emporte au sein d’un monde où chaque détail compte. Sans jamais nous perdre dans cette grande fresque familiale, elle peint le portrait d’une famille qui vivra de beaux et doux moments, ainsi que des événements aussi graves qu’inattendus. Chaque personnage est dépeint avec une justesse rare, et l’auteure sait donner vie à chaque chose. Ainsi, la maison d’André est en elle-même un personnage qui sera marqué par les bouleversements de ceux qui l’habitent. Cécile Coulon prouve encore une fois son habileté à décrire la vie à la campagne, cet écart avec la vie citadine, la simplicité de ses habitants, mais surtout leurs secrets. Un sujet qu’elle avait déjà abordé dans un essai autobiographique (Les grandes villes n’existent pas, Seuil) et qu’elle transpose dans un contexte différent, celui de la fiction, ce qui lui donne l’opportunité d’imaginer une réalité différente de celle qu’elle a vécu tout en conservant un certain réalisme. À la fois récit initiatique, roman social, exercice de recueillement devant la beauté de la nature, Trois saisons d’orage est un roman magnifique. Mais c’est aussi l’histoire d’une famille, d’hommes et de femmes qui oublient le monde, enfermés qu’ils sont dans ce village aux allures d’Éden où le temps ne semble pas avoir d’impact. Un roman délicieux qui laisse une empreinte si puissante, que l’on repense souvent à ses personnages magnétiques.