Comme une lanterne sur les ruines

Elle, la narratrice, c’est une collégienne qui s’ennuie, plutôt introvertie, se sentant invisible aux yeux de tous ; lui est plus âgé, vit dans la rue, se drogue et écrit des poèmes. Lorsqu’elle le voit pour la première fois, c’est le coup de foudre. Elle l’aborde, ils se rencontrent, s'apprivoisent lentement, créent une complicité et commencent à s'aimer avec énormément de pudeur. Plongés dans cette relation atypique, nous assistons au début d’une idylle clandestine dans le monde brutal des sans-abris. Leur amour commun pour Jacques Prévert les rassemble : elle lit ses poèmes à voix haute, lui aime les commenter. Ils vivent alors des moments privilégiés autour des mots, véritables bulles de douceur, remplies d’humanité et d’affection. Le retour à la réalité est parfois brutal, impitoyable et ces instants poétiques sont leur refuge, leur bouffés d’oxygène. Très loin de se vouloir moralisateur, ce récit intime et poignant interroge la marginalité, la trajectoire sociale et aussi les premiers sentiments amoureux qui marquent une vie. Si l’amour leur offre momentanément un cadre rassurant et bienveillant, la réalité les rattrape inévitablement. Ces deux-là nous émeuvent par leur complicité et leur volonté si forte d'être toujours ensemble. Leur tendresse s'accroît au fil des pages. « Je crois qu’on aime et qu'après, seulement, on devient beau », raconte-t-elle, aimant reprendre les mots du poète chéri pour exprimer ses sentiments. C’est un bel hommage à l’être aimé, un moyen de le faire revivre, encore un peu. Cécile Schouler, par son sens aiguisé des mots pour transmettre les émotions, nous émeut terriblement, nous donne de l’espoir. C’est assurément une lecture qui secoue et bouleverse profondément.