Jeunesse

Joyce Carol Oates

Ce que j’ai oublié de te dire

illustration
photo libraire

Chronique de Claire Couthenx

Autre KUBE (MONTROUGE)

Madame Oates – la bienséance m’interdit de donner ici son âge – signe de nouveau un roman à destination des adolescents. Même si elle pourrait largement être leur grand-mère, elle dessine des héroïnes réalistes aux sentiments décortiqués avec une précision troublante.

Voilà ce que c’est d’être un véritable artiste, un écrivain de talent : réussir à raconter la vie de personnages dont on est loin des préoccupations quotidiennes, et ainsi s’emparer de sujets les concernant pour arriver au cœur de leurs ressentis et de leur intimité. Nous suivons avec cette grande dame de la littérature américaine deux adolescentes durant leur dernière année au lycée. Merissa et Nadia subissent durant cette année particulière la pression des notes, la pression sociale, la pression d’un climat familial compliqué. L’une voit ses parents se séparer, l’autre n’a jamais connu sa mère et sa nouvelle belle-mère semble presque aussi jeune qu’elle. Rien de stable sur quoi fonder un futur qui pourtant semble plein de promesses. Enfin si : avant elles avaient Tink, leur meilleure amie, qui a malheureusement décidé de ne pas vivre cette année-là avec ses amies en se suicidant six mois plus tôt. Pourtant elle reste toujours au cœur des conversations, un peu comme si son âme traînait encore au milieu de son groupe d’amies. Car c’est elle la véritable héroïne de ces deux histoires, elle qui en réalité n’a fait qu’un passage éclair dans leurs vies, mais avec une personnalité tellement forte et tellement solaire que malgré sa disparition, son rayonnement continue à influencer leurs vies. C’est son exemple qui est leur guide dans des épreuves qu’elles auraient jugé insurmontables si elles n’avaient pas connu leur Tink, si elle ne leur avait pas soufflé au bon moment « Je t’interdis de te dégonfler mec ». Un personnage très fort malgré son absence, et qui s’attache à vous comme une huître sur un rocher, un personnage comme seule Madame Oates, à qui tous les ans je souhaite le prix Nobel– sait vous les dépeindre.